Cour d’appel administrative de Toulouse, le 4 mars 2025, n°23TL01894

La Cour administrative d’appel de Toulouse, par un arrêt rendu le 4 mars 2025, statue sur la légalité d’un refus de séjour opposé à un musicien. Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national en mai 2019 sous couvert d’un visa de court séjour, a sollicité une régularisation en 2021. Il invoquait sa qualité d’artiste-interprète et l’intensité de ses liens privés pour obtenir un titre portant la mention « passeport talent ». Le préfet a toutefois rejeté sa demande, assortissant ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le tribunal administratif de Montpellier ayant confirmé cette décision le 16 juin 2022, le requérant a alors saisi la juridiction d’appel. Ce dernier soutenait que sa renommée internationale et son intégration professionnelle justifiaient son admission au séjour malgré l’absence de visa de long séjour. La question posée au juge consistait à déterminer si le statut d’artiste et l’insertion sociale prévalaient sur les conditions légales de ressources et de visa. La Cour administrative d’appel rejette la requête en validant l’appréciation stricte des critères administratifs opérée par le représentant de l’État dans le département.

I. La soumission de l’activité artistique à des conditions administratives strictes

A. Le verrou du visa de long séjour et de la stabilité financière

La juridiction rappelle que l’octroi d’un titre de séjour pour motif professionnel demeure subordonné au respect de conditions de forme et de fond cumulatives. L’arrêt souligne que l’intéressé était entré avec un visa de court séjour et non avec le document requis par les dispositions conventionnelles et législatives applicables. Le juge précise que le requérant est « entré en France le 15 mai 2019 avec un visa court séjour et non avec un visa de long séjour ». Cette carence initiale fait obstacle à la délivrance du titre de séjour sollicité, car elle méconnaît les stipulations de la convention bilatérale liant les États. L’administration vérifie également que l’étranger dispose de moyens d’existence suffisants pour ne pas devenir une charge pour le système de solidarité nationale française. La Cour relève que le demandeur ne justifie pas de ressources équivalentes à soixante-dix pour cent du salaire minimum brut pour un emploi à temps plein. Ces exigences budgétaires constituent une garantie indispensable pour assurer la viabilité économique de l’activité artistique envisagée par l’étranger sur le sol national.

B. L’exigence d’un rayonnement international dûment établi

Le bénéfice du titre de séjour fondé sur la renommée artistique suppose la démonstration d’une contribution significative au rayonnement culturel de la France. Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur l’appréciation des qualités professionnelles et de la notoriété dont se prévaut le solliciteur du titre. L’arrêt indique qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier que ses activités artistiques seraient telles qu’il devrait être regardé comme justifiant d’une renommée ». La Cour constate que les pièces produites, bien qu’attestant de la réalité d’une pratique musicale, ne suffisent pas à caractériser une distinction internationale notable. Cette position jurisprudentielle confirme que le statut protecteur du « passeport talent » est réservé aux parcours d’excellence dont l’apport à la collectivité est manifeste. La simple existence de collaborations artistiques locales ne saurait compenser l’absence de rayonnement national ou international exigé par le code de l’entrée et du séjour. Le cadre juridique actuel impose donc une sélectivité rigoureuse afin de ne pas dénaturer l’objet même de cette catégorie particulière de cartes de séjour.

II. La validation de la mesure d’éloignement au regard de l’absence d’attaches locales

A. La priorité donnée à la structure familiale restée dans le pays d’origine

Le droit au respect de la vie privée et familiale ne garantit pas à l’étranger le choix souverain de son lieu de résidence habituelle. La Cour administrative d’appel de Toulouse examine l’intensité des liens familiaux du requérant pour vérifier si le refus de séjour constitue une ingérence excessive. Elle relève que l’intéressé est « dépourvu d’attaches familiales en France, tandis que l’un de ses enfants réside dans son pays d’origine ainsi que ses parents ». La présence de deux autres enfants résidant au Japon renforce l’idée que le centre des intérêts affectifs du demandeur demeure situé hors de France. L’investissement dans des activités sociales ou amicales sur le territoire national ne suffit pas à créer un droit automatique au maintien du séjour légal. Le juge considère que l’éloignement n’est pas disproportionné dès lors que l’étranger a passé l’essentiel de son existence dans son pays de naissance. La stabilité de l’insertion professionnelle ne compense pas, dans ce cas précis, la faiblesse manifeste des liens personnels et familiaux noués sur le sol français.

B. L’absence de caractérisation d’un risque personnel actuel et certain

La contestation de la mesure d’éloignement vers le pays de destination nécessite la preuve d’un péril réel en cas d’exécution de la décision administrative. Le requérant invoquait des menaces liées à la situation sécuritaire de son État d’origine, affirmant que les artistes y seraient particulièrement visés par des groupes. La juridiction rejette ce moyen en notant que l’appelant « n’apporte aucun élément au soutien de ses allégations » concernant les risques encourus au regard des conventions. L’absence de demande d’asile préalable constitue un indice supplémentaire de l’absence de crainte fondée de persécution ou de traitements inhumains et dégradants. Le juge exige une personnalisation du risque, refusant de se fonder sur un climat général d’insécurité pour annuler une mesure de police des étrangers. La décision portant fixation du pays de destination demeure donc légale faute pour l’intéressé de démontrer qu’il serait personnellement exposé à des violences. La Cour confirme ainsi l’entier jugement de première instance, validant la politique migratoire menée par l’autorité préfectorale à l’égard de ce ressortissant étranger.

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Hassan KOHEN
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