Cour d’appel administrative de Versailles, le 8 juillet 2025, n°24VE02852

Le 8 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Versailles a rendu une décision remarquée concernant la recevabilité d’une action indemnitaire liée aux subventions publiques. Une société spécialisée avait déposé une demande de prime de transition énergétique pour le compte d’un particulier auprès de l’organisme national compétent en mars 2022. Si l’administration avait initialement accepté de verser une somme de 5 850 euros, elle a finalement pris une décision de retrait en avril 2023.

S’estimant lésée, l’entreprise a saisi le tribunal administratif d’Orléans afin d’obtenir la condamnation de l’agence à lui verser une indemnité équivalente au montant perdu. Par une ordonnance du 22 août 2024, le président de la deuxième chambre a rejeté cette demande en la déclarant manifestement irrecevable. La requérante a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en contestant la régularité de cette décision et en invoquant son intérêt à agir.

Le litige porte sur la capacité d’un mandataire professionnel à solliciter la réparation d’un préjudice propre né d’une faute administrative lors du retrait d’une aide. La cour administrative d’appel de Versailles annule l’ordonnance attaquée en considérant que la société justifie d’un intérêt suffisant pour agir devant le juge du plein contentieux. Ce commentaire analysera d’abord l’admission de l’intérêt à agir de la société mandataire (I) avant d’étudier la censure d’un rejet prématuré par voie d’ordonnance (II).

I. L’admission de l’intérêt à agir de la société mandataire

A. La distinction entre le contentieux de l’annulation et l’action indemnitaire

La juridiction rappelle que les recours concernant l’octroi d’une subvention relèvent par principe du juge de l’excès de pouvoir pour le bénéficiaire ou les tiers. Elle précise toutefois que cette règle ne fait pas obstacle aux actions indemnitaires engagées contre la personne publique en cas de faute commise par l’administration. L’arrêt souligne que les recours peuvent concerner « la décision par laquelle la personne publique modifie le montant ou les conditions d’octroi de la subvention ». La décision opère ainsi une séparation nécessaire entre le contentieux de la légalité de l’acte et celui de la responsabilité de la puissance publique.

B. La caractérisation d’un préjudice propre et direct pour l’intermédiaire

L’intérêt à agir est reconnu dès lors que le demandeur invoque la « réparation du préjudice propre qu’elle prétend avoir subi » du fait du retrait litigieux. La cour refuse de limiter l’accès au juge de plein contentieux au seul bénéficiaire final de la prime de rénovation énergétique initialement promise. Cette solution protège les professionnels dont la rémunération ou l’activité économique dépendent directement de la bonne exécution des mandats de gestion des aides publiques. Elle confirme par conséquent que l’illégalité d’une décision administrative peut léser directement l’intermédiaire agissant pour le compte d’un client privé ou public.

II. La censure d’un rejet prématuré par voie d’ordonnance

A. Le caractère non manifeste de l’irrecevabilité soulevée par le premier juge

Le premier juge avait fait application de l’article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la requête sans aucun débat contradictoire. La cour administrative d’appel de Versailles considère cet usage comme abusif puisque l’irrecevabilité de la demande n’était en rien manifeste dans cette affaire. En censurant l’ordonnance, le juge d’appel rappelle donc que le rejet pour irrecevabilité sans invitation à régulariser doit demeurer une mesure strictement exceptionnelle. Cette exigence de prudence protège le droit fondamental au recours effectif des administrés face à des interprétations parfois trop étroites des conditions de recevabilité.

B. Le renvoi de l’affaire pour un examen effectif de la responsabilité fautive

Le juge d’appel a décidé de « renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif d’Orléans » plutôt que de régler lui-même le litige sur le fond. Ce renvoi permet de respecter scrupuleusement le principe du double degré de juridiction tout en obligeant les premiers juges à examiner la réalité du préjudice. La solution impose désormais une analyse concrète de l’existence d’une « illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité » au profit de la société requérante. Cet arrêt renforce la sécurité juridique des mandataires en leur offrant une voie de droit claire pour contester les conséquences d’un retrait de subvention.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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