Cour d’appel de Amiens, le 4 juillet 2025, n°24/02517

La cour d’appel d’Amiens, statuant en matière de tarification de cotisations sociales, a rendu le 4 juillet 2025 un arrêt relatif aux conséquences procédurales de l’acquiescement du défendeur aux demandes du requérant. Cette décision illustre le mécanisme d’extinction de l’instance par acquiescement et soulève la question des frais irrépétibles en présence d’une reconnaissance du bien-fondé des prétentions adverses.

Une société exploitant un établissement avait saisi la juridiction compétente en matière de tarification aux fins d’obtenir la rectification de son taux de cotisation pour l’année 2024 et le rétablissement d’un code risque spécifique pour l’une de ses sections. L’assignation avait été délivrée par acte de commissaire de justice en date du 27 mai 2024, appelant la caisse régionale à comparaître devant la cour d’appel d’Amiens spécialement désignée. L’affaire, initialement enrôlée pour le 6 décembre 2024, fut renvoyée à l’audience du 2 mai 2025.

À cette audience, la caisse défenderesse a déclaré acquiescer à la demande de la société requérante et a indiqué procéder au recalcul du taux de cotisation. La demanderesse a alors sollicité qu’il soit donné acte de cet acquiescement et a réclamé la condamnation de la caisse au paiement d’une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La question posée à la cour était double. D’une part, il s’agissait de déterminer les conséquences juridiques de l’acquiescement formulé en cours d’instance sur le sort du litige. D’autre part, la juridiction devait statuer sur l’imputation des frais irrépétibles lorsque le défendeur reconnaît le bien-fondé des prétentions adverses.

La cour a constaté l’acquiescement de la caisse aux demandes présentées par la société. Elle a condamné la caisse aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, réduisant ainsi significativement le montant sollicité par la demanderesse.

Cet arrêt met en lumière le régime de l’acquiescement comme mode d’extinction de l’instance (I) et permet d’analyser le traitement des frais du procès consécutif à cette reconnaissance (II).

I. Le constat juridictionnel de l’acquiescement aux demandes

L’arrêt commenté offre une application rigoureuse du mécanisme de l’acquiescement tel que défini par le code de procédure civile (A), tout en révélant les particularités de sa mise en œuvre en matière de contentieux de la tarification (B).

A. Le cadre normatif de l’acquiescement à la demande

La cour d’appel d’Amiens rappelle avec précision le fondement textuel de l’acquiescement. Elle vise l’article 384 du code de procédure civile qui dispose que « l’instance s’éteint accessoirement à l’action par l’effet de la transaction, de l’acquiescement, du désistement d’action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d’une partie ». Cette énumération place l’acquiescement parmi les modes anormaux d’extinction du lien d’instance.

La décision complète ce rappel par la référence aux articles 408 et 410 du même code. Ces dispositions précisent que l’acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et renonciation à l’action. La portée de cet acte unilatéral est ainsi considérable puisqu’il prive son auteur de toute possibilité de remettre en cause ultérieurement la prétention ainsi reconnue.

En l’espèce, la caisse a formulé son acquiescement à l’audience. Cette manifestation de volonté, exprimée devant la juridiction et consignée par le greffier, ne souffrait d’aucune ambiguïté. La cour n’avait dès lors d’autre office que de constater cette reconnaissance et d’en tirer les conséquences procédurales.

B. L’application au contentieux de la tarification des cotisations

Le contentieux de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles présente des caractéristiques propres. La cour d’appel d’Amiens est spécialement désignée pour connaître de ces litiges en premier et dernier ressort. Cette compétence exclusive confère à ses décisions une autorité particulière dans l’unification de la jurisprudence en la matière.

L’objet du litige portait sur la rectification d’un taux de cotisation et le rétablissement d’un code risque. Ces questions techniques relèvent de la compétence exclusive des organismes de sécurité sociale dans leur appréciation initiale. La contestation devant la juridiction spécialisée suppose une erreur d’appréciation ou une méconnaissance des règles applicables.

L’acquiescement de la caisse traduit la reconnaissance d’une telle erreur dans la fixation du taux. Cette reconnaissance spontanée, intervenue avant tout débat au fond, témoigne d’une pratique respectueuse du principe de loyauté procédurale. La caisse a ainsi évité un débat contentieux sur le bien-fondé de sa décision initiale tout en préservant les droits de l’employeur cotisant.

II. L’allocation mesurée des frais du procès

La cour d’appel, après avoir constaté l’acquiescement, devait statuer sur les conséquences pécuniaires de l’instance. Sa décision révèle une imputation logique des dépens à la charge du défendeur (A) et une appréciation souveraine du montant des frais irrépétibles (B).

A. La condamnation aux dépens du défendeur acquiesçant

La cour qualifie expressément la caisse de « partie perdante » pour justifier sa condamnation aux dépens. Cette qualification mérite attention. L’acquiescement n’emporte pas à proprement parler une défaite contentieuse puisque aucun débat au fond n’a eu lieu. La reconnaissance du bien-fondé des prétentions adverses produit toutefois des effets équivalents sur le plan de la charge des frais.

La règle selon laquelle les dépens incombent à la partie perdante trouve ainsi application en cas d’acquiescement. Le défendeur qui reconnaît le bien-fondé de la demande ne saurait faire supporter à son adversaire les frais exposés pour obtenir cette reconnaissance. La solution retenue par la cour s’inscrit dans la logique indemnitaire qui gouverne la matière des dépens.

Cette imputation apparaît d’autant plus justifiée que la société demanderesse a dû engager des frais pour saisir la juridiction compétente. L’acte de commissaire de justice, les honoraires d’avocat et les frais de procédure ont été exposés pour contraindre la caisse à réexaminer sa position. L’acquiescement tardif ne saurait effacer cette réalité économique.

B. La réduction du quantum des frais irrépétibles

La société demanderesse avait sollicité la condamnation de la caisse au paiement de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La cour n’a accordé que 300 euros. Cette réduction substantielle traduit l’exercice du pouvoir souverain d’appréciation reconnu aux juges du fond en la matière.

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie une somme au titre des frais non compris dans les dépens. L’équité et la situation économique de la partie condamnée constituent les critères d’appréciation énoncés par le texte.

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette modération. L’acquiescement intervenu à l’audience a mis fin au litige sans qu’un débat contradictoire approfondi soit nécessaire. Les diligences accomplies par l’avocat de la demanderesse, quoique réelles, sont demeurées limitées au regard de l’issue rapide de l’affaire. La cour a ainsi proportionné l’indemnité allouée à l’économie procédurale réalisée.

Cette décision rappelle que l’article 700 du code de procédure civile ne constitue pas un instrument de récupération intégrale des frais exposés. Son objet est d’assurer une compensation équitable, non une indemnisation complète. La différence entre la somme demandée et celle accordée illustre cette distinction fondamentale entre frais réels et frais recouvrables.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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