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La Cour d’appel de Bastia, dans un arrêt rendu le 3 septembre 2025, se prononce sur les pouvoirs du juge de l’exécution confronté à une demande d’astreinte fondée sur l’inexécution alléguée d’un jugement ayant reconnu une maladie professionnelle. Un assuré conteste le montant des indemnités journalières versées par un organisme de sécurité sociale et sollicite le prononcé d’une astreinte pour obtenir le paiement d’une somme complémentaire.
Les faits de l’espèce révèlent qu’un jugement du 13 avril 2022 avait admis l’appelant au bénéfice de la législation sur les maladies professionnelles pour une pathologie de l’épaule droite. Ce jugement renvoyait l’intéressé devant l’organisme de sécurité sociale pour la liquidation de ses droits. L’assuré estimait toutefois que cette liquidation était incomplète. Selon lui, les indemnités journalières auraient dû être calculées à compter du 16 novembre 2018, date de déclaration de la maladie, et non du 4 décembre 2018. Il évaluait sa créance résiduelle à plus de vingt-cinq mille euros.
Par jugement du 2 octobre 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Ajaccio a rejeté la demande de fixation d’astreinte. L’assuré a interjeté appel le 15 octobre 2024. Il sollicitait l’infirmation du jugement, le prononcé d’une astreinte de cent euros par jour de retard ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive. L’organisme de sécurité sociale concluait à la confirmation du jugement, arguant de la parfaite exécution du titre exécutoire.
La question posée à la cour était de savoir si le juge de l’exécution peut prononcer une astreinte lorsque le créancier conteste non pas l’inexécution du titre, mais le quantum des sommes versées en application de celui-ci.
La cour confirme le jugement entrepris. Elle retient que le jugement du 13 avril 2022 a été exécuté dès lors que les droits de l’assuré ont été liquidés et qu’une notification de fin de prise en charge lui a été adressée. Elle juge que « les moyens soulevés […] visant à obtenir une indemnisation supplémentaire […] ne relèvent pas de la compétence du juge de l’exécution mais d’une éventuelle procédure au fond ». Elle condamne l’appelant aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure.
Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les cours d’appel délimitent le périmètre des pouvoirs du juge de l’exécution. La distinction entre exécution formelle du titre et satisfaction substantielle du créancier constitue le cœur du raisonnement (I). L’arrêt révèle également les conséquences procédurales de cette répartition des compétences pour le justiciable (II).
I. La délimitation stricte des pouvoirs du juge de l’exécution
Le juge de l’exécution ne dispose que de prérogatives limitées à l’exécution du titre tel qu’il existe (A). Cette limitation conduit nécessairement à exclure de sa compétence les contestations portant sur le quantum des droits liquidés (B).
A. L’interdiction de modifier le dispositif du titre exécutoire
L’article R 121-1 du code des procédures civiles d’exécution énonce une prohibition fondamentale. Le juge de l’exécution « ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution ». Cette règle constitue le socle de la répartition des compétences entre le juge du fond et le juge de l’exécution.
En l’espèce, le jugement du 13 avril 2022 avait admis l’assuré au bénéfice de la législation sur les maladies professionnelles. Le dispositif renvoyait l’intéressé devant l’organisme pour « la liquidation de ses droits ». La cour observe que cette liquidation a bien eu lieu. Une notification de fin de prise en charge a été adressée à l’assuré, qui l’a réceptionnée le 15 octobre 2022.
La cour en déduit que « le jugement précité a bien été exécuté ». L’exécution s’apprécie au regard du dispositif du titre et non des attentes du créancier. Le renvoi pour liquidation impliquait une opération de calcul et de notification des droits. Ces opérations ont été accomplies. Le titre a donc été exécuté au sens de l’article L 111-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Le juge de l’exécution ne saurait remettre en cause le contenu du titre. La cour rappelle qu’il lui est interdit de « modifier les droits ou obligations qu’il constate ». Cette formule reprend une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Elle distingue l’exécution forcée, qui relève du juge de l’exécution, de la détermination des droits, qui relève du juge du fond.
B. L’exclusion des contestations relatives au quantum des droits
L’appelant ne contestait pas l’absence totale de liquidation. Il soutenait que le montant des indemnités versées était insuffisant. Selon lui, la période prise en compte pour le calcul des indemnités journalières était erronée. La date de départ aurait dû être le 16 novembre 2018 et non le 4 décembre 2018.
La cour qualifie cette prétention de demande d’« indemnisation supplémentaire ». Elle juge que cette demande « ne relève pas de la compétence du juge de l’exécution mais d’une éventuelle procédure au fond ». Le raisonnement repose sur la distinction entre l’exécution du titre et la révision de son contenu.
Le jugement du 13 avril 2022 ne fixait pas le montant des indemnités journalières. Il reconnaissait le caractère professionnel de la maladie et renvoyait pour liquidation. La contestation du quantum ne porte donc pas sur l’exécution du titre. Elle porte sur une opération de calcul effectuée postérieurement par l’organisme en application de la législation sur les maladies professionnelles.
La cour précise également que « la question de savoir si ses demandes d’indemnisation complémentaire sont prescrites ou non ne relève pas plus de la compétence du juge de l’exécution ». Cette mention révèle l’étendue de l’incompétence. Le juge de l’exécution ne peut trancher ni le fond de la contestation ni les exceptions de procédure qui s’y rattachent. Seul le juge du fond dispose de cette compétence.
II. Les implications procédurales de la répartition des compétences
L’orientation vers une procédure au fond constitue la seule voie offerte au créancier insatisfait (A). Cette exigence s’accompagne de conséquences financières significatives pour le plaideur débouté (B).
A. La nécessité d’une action au fond pour contester la liquidation
La cour indique expressément qu’« il est loisible à l’appelant d’intenter » une procédure au fond. Cette formule n’est pas une simple suggestion. Elle délimite la voie de droit appropriée pour obtenir satisfaction.
L’assuré qui estime que ses droits ont été mal liquidés doit saisir la juridiction compétente au fond. En matière de sécurité sociale, le pôle social du tribunal judiciaire dispose de cette compétence. L’intéressé devra démontrer que la période d’indemnisation retenue par l’organisme est erronée. Il devra également établir que sa demande n’est pas prescrite.
La cour ne préjuge pas de l’issue d’une telle procédure. Elle se borne à constater son incompétence et à orienter le justiciable. Cette position traduit le respect de la séparation des fonctions juridictionnelles. Le juge de l’exécution ne peut empiéter sur les attributions du juge du fond.
L’arrêt illustre une difficulté récurrente pour les justiciables. La confusion entre exécution et satisfaction conduit à des saisines inappropriées du juge de l’exécution. Celui-ci ne peut que rejeter les demandes qui excèdent sa compétence. Le créancier perd alors du temps et expose des frais inutiles.
B. Les conséquences financières du rejet des demandes
L’appelant succombe intégralement. La cour le condamne aux dépens de la procédure d’appel. Elle le condamne également à verser mille cinq cents euros à l’organisme de sécurité sociale au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette condamnation intervient alors même que l’appelant bénéficiait de l’aide juridictionnelle totale. Les dépens seront recouvrés « comme en matière d’aide juridictionnelle ». L’indemnité de procédure demeure toutefois à la charge de l’appelant. L’aide juridictionnelle ne couvre pas les condamnations prononcées au titre de l’article 700.
La cour déboute également l’appelant de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive. Cette demande était vouée à l’échec dès lors que le titre avait été exécuté. L’organisme n’avait commis aucune faute en refusant de verser des sommes non prévues par le jugement du 13 avril 2022.
L’arrêt confirme par ailleurs le rejet de la demande d’astreinte. L’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution permet au juge d’ordonner une astreinte pour « assurer l’exécution de sa décision ». Cette faculté suppose une inexécution. Or la cour constate que « le jugement litigieux a été exécuté ». Il n’existe donc « pas lieu de faire droit à la demande tendant au prononcé d’une astreinte ».