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En matière de surendettement des particuliers, le dépôt d’un nouveau dossier devant la commission compétente postérieurement à un jugement de déchéance fait l’objet d’un appel peut conduire à priver ce recours de tout intérêt. La cour d’appel de Douai, par un arrêt du 3 juillet 2025, apporte un éclairage sur les conséquences procédurales d’une telle situation.
En l’espèce, une personne physique avait déposé un dossier de surendettement le 31 mars 2023 auprès de la Banque de France. La commission, constatant sa situation de surendettement, avait déclaré la demande recevable le 12 avril 2023 et orienté le dossier vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire le 12 juillet 2023. Une société civile immobilière, créancière bailleresse, a contesté ces mesures imposées au motif d’une erreur sur l’identité du bailleur dans le dossier. Par jugement du 21 février 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tourcoing a prononcé la déchéance du bénéfice de la procédure de traitement de surendettement.
La débitrice a relevé appel de ce jugement le 20 mars 2024. Parallèlement, elle a déposé un nouveau dossier auprès de la commission le 29 mai 2024, lequel a été déclaré recevable le 26 juin 2024 et orienté vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. À l’audience devant la cour, la créancière bailleresse s’opposait à son intégration au plan et sollicitait une indemnité au titre des frais irrépétibles.
La question posée à la cour d’appel de Douai était de déterminer si l’appel formé contre le jugement de déchéance conservait un objet dès lors qu’une nouvelle procédure de surendettement avait été engagée et déclarée recevable postérieurement.
La cour constate que l’appel est devenu sans objet. Elle rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Cette décision invite à examiner la perte d’objet de l’appel résultant de l’ouverture d’une nouvelle procédure de surendettement (I), avant d’analyser le traitement des demandes accessoires dans ce contexte particulier (II).
I. La perte d’objet de l’appel consécutive à l’ouverture d’une nouvelle procédure
La cour d’appel de Douai constate que l’appel est devenu sans objet, ce qui conduit à examiner le mécanisme de cette perte d’objet (A) ainsi que ses implications sur le droit au recours du débiteur surendetté (B).
A. Le constat de l’absence d’objet du recours
La cour relève dans ses motifs qu’il résulte « des pièces remises à l’audience de la cour » que la débitrice « a déposé un nouveau dossier à la commission » le 29 mai 2024, « qui a été déclaré recevable le 26 juin 2024, et que la commission l’a orienté vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ». Elle en déduit qu’il y a lieu « de constater que l’appel interjeté le 20 mars 2024 […] est devenu sans objet ».
Cette analyse repose sur un raisonnement simple. Le jugement frappé d’appel avait prononcé la déchéance de la procédure de surendettement initialement ouverte. L’intérêt de l’appel résidait dans la possibilité d’obtenir l’infirmation de ce jugement et le rétablissement des mesures imposées par la commission. Or, l’ouverture d’une nouvelle procédure, déclarée recevable et orientée vers le même type de mesure, satisfait l’intérêt de la débitrice. La réformation du jugement de déchéance devient dès lors inutile.
Le droit du surendettement, organisé par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation, permet en effet à un débiteur de déposer un nouveau dossier après une déchéance prononcée, sous réserve de remplir les conditions légales de recevabilité. La commission apprécie à nouveau la situation du débiteur à la date du nouveau dépôt. Cette possibilité de recommencement explique que l’appel contre une décision de déchéance puisse perdre son objet.
B. Les implications sur l’effectivité du droit au recours
La solution retenue par la cour d’appel de Douai n’emporte aucune atteinte au droit au recours de la débitrice. L’appel est déclaré recevable. La cour ne prononce pas d’irrecevabilité mais constate simplement que le recours est devenu sans objet. Cette distinction revêt une importance pratique. La débitrice n’est pas sanctionnée pour avoir exercé une voie de recours. Elle a simplement obtenu satisfaction par une autre voie.
Cette situation illustre la souplesse du dispositif de traitement du surendettement. Le législateur a conçu une procédure accessible et renouvelable, qui permet au débiteur de bonne foi de retrouver une situation financière assainie. La faculté de déposer un nouveau dossier après une déchéance constitue une seconde chance offerte au débiteur, sans qu’il soit nécessairement contraint d’attendre l’issue d’un recours contre la décision de déchéance.
La cour ne se prononce pas sur le bien-fondé du jugement de déchéance. Elle n’examine pas si les motifs retenus par le premier juge étaient pertinents. Cette absence d’examen au fond résulte logiquement du constat de perte d’objet. L’appel ne peut prospérer faute d’intérêt actuel à la réformation.
II. Le traitement des demandes accessoires dans un litige devenu sans objet
La cour d’appel de Douai statue également sur les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens, rejetant les premières (A) et mettant les seconds à la charge du Trésor public (B).
A. Le rejet des demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile
La débitrice appelante sollicitait la condamnation du gérant de la société créancière à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société créancière formulait une demande identique à l’encontre de la débitrice. La cour rejette l’ensemble de ces demandes en estimant que « l’équité ne commande pas d’allouer de somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ».
Cette motivation, quoique brève, s’inscrit dans une jurisprudence classique. L’article 700 du code de procédure civile confère au juge un pouvoir souverain d’appréciation. Il peut refuser toute indemnité s’il estime que l’équité n’en commande pas l’allocation. En l’espèce, la perte d’objet de l’appel résulte d’un événement postérieur à la décision de première instance et même à l’acte d’appel. Aucune des parties ne peut être considérée comme ayant succombé au sens habituel du terme.
La situation procédurale atypique justifie que chaque partie conserve la charge de ses propres frais. La débitrice a obtenu satisfaction par une nouvelle procédure, non par l’appel. La créancière n’a pas triomphé puisque la cour ne confirme pas le jugement de déchéance. Cette absence de vainqueur et de perdant explique le refus d’allocation de frais irrépétibles.
B. L’imputation des dépens au Trésor public
La cour décide de laisser « les dépens d’appel à la charge du Trésor public ». Cette solution reprend celle retenue par le premier juge pour les dépens de première instance. Elle s’explique par la nature particulière du contentieux du surendettement.
L’article L. 713-4 du code de la consommation dispose que la procédure devant le juge des contentieux de la protection en matière de surendettement est sans frais pour les parties. Cette gratuité vise à garantir l’accès effectif des personnes en difficulté financière à la procédure de traitement de leur situation. Mettre les dépens à la charge du Trésor public s’inscrit dans cette logique protectrice.
La créancière ne supporte pas davantage les dépens alors même qu’elle avait pris l’initiative de contester les mesures imposées par la commission. La cour applique le principe de gratuité sans distinguer selon la qualité de demandeur ou de défendeur au recours. Cette solution préserve l’équilibre entre les parties et évite que le contentieux du surendettement ne devienne un facteur d’aggravation des difficultés financières de l’une ou l’autre des parties.
La portée de cet arrêt demeure limitée à une situation procédurale particulière. Il confirme néanmoins que le droit du surendettement privilégie la recherche de solutions concrètes aux difficultés des débiteurs plutôt que la sanction des incidents de procédure. La faculté de déposer un nouveau dossier après une déchéance offre une voie de sortie pratique qui peut rendre un recours juridictionnel sans utilité.