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L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Fort-de-France le 24 juin 2025 illustre une application classique des règles relatives à la charge de la preuve du paiement. Un établissement public chargé de la gestion d’un régime de retraite complémentaire réclamait à une commune le règlement de cotisations pour plusieurs exercices ainsi que des majorations de retard. Le tribunal judiciaire de Fort-de-France, par jugement du 9 janvier 2024, avait condamné la commune au paiement des seules cotisations de 2019, rejetant le surplus des demandes au motif que le créancier ne démontrait pas que la débitrice ne s’était acquittée que partiellement des sommes réclamées au titre des années 2020 et 2021.
Les faits sont dépourvus de complexité particulière. La commune était affiliée à un régime de retraite complémentaire et devait à ce titre verser des cotisations annuelles. Le créancier réclamait un arriéré couvrant plusieurs exercices, incluant des majorations de retard. Devant le premier juge, la commune n’avait pas comparu ni constitué avocat.
La procédure a suivi un cours régulier. L’établissement créancier a assigné la commune devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France par acte du 31 mai 2023. Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire le 9 janvier 2024, a accueilli partiellement la demande. Il a condamné la commune au paiement des cotisations 2019 mais a débouté le demandeur de ses prétentions relatives aux exercices 2020 et 2021 ainsi qu’aux majorations de retard. Le créancier a interjeté appel par déclaration du 2 juin 2024. La commune, régulièrement assignée, n’a pas davantage constitué avocat en cause d’appel.
Le créancier soutenait que le tribunal avait renversé la charge de la preuve en exigeant qu’il démontre l’absence de paiement intégral par la débitrice. La commune, non représentée, n’a présenté aucune défense.
La question posée à la cour était de déterminer si le créancier réclamant le paiement de cotisations doit prouver que le débiteur ne s’est pas acquitté de sa dette, ou si cette preuve incombe au débiteur qui se prétend libéré.
La Cour d’appel de Fort-de-France infirme le jugement sur ce point. Elle rappelle que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » et que « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Elle en déduit que le tribunal ne pouvait mettre la preuve du paiement à la charge du créancier et accueille l’intégralité des demandes.
Cette décision invite à examiner la répartition de la charge de la preuve en matière d’obligations (I), avant d’en mesurer les implications pratiques pour le débiteur défaillant (II).
I. La répartition légale de la charge de la preuve
L’arrêt opère un rappel du principe posé par l’article 1353 du code civil (A) et sanctionne l’erreur commise par le tribunal dans son application (B).
A. Le principe de l’article 1353 du code civil
L’article 1353 du code civil établit une distribution de la charge probatoire entre les parties au rapport d’obligation. La cour en reproduit les termes : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Ce texte opère une répartition fonctionnelle du fardeau de la preuve. Le créancier doit établir l’existence et le montant de sa créance. Une fois cette démonstration faite, il revient au débiteur de prouver qu’il s’est libéré.
Cette règle procède d’une logique probatoire éprouvée. Exiger du créancier qu’il prouve un fait négatif, à savoir l’absence de paiement, reviendrait à lui imposer une preuve diabolique. Le paiement constitue un fait positif dont le débiteur peut aisément conserver la trace. Les quittances, relevés bancaires et autres documents attestant du règlement sont normalement en sa possession.
B. L’erreur du tribunal corrigée en appel
Le tribunal judiciaire de Fort-de-France avait retenu que le créancier « ne démontrait pas que l’intimée ne s’était acquittée que partiellement du paiement des sommes réclamées au titre des années 2020 et 2021 ». Ce faisant, il avait inversé la charge de la preuve. La cour censure cette analyse en relevant que « le montant total des cotisations des années 2020 et 2021 tel qu’avancé par l’appelante n’étant contredit par aucun élément objectif, il n’appartient pas à celle-ci de démontrer que la [commune], débitrice, ne s’est pas acquittée du paiement total ».
La cour souligne que le créancier avait satisfait à son obligation probatoire en établissant le montant des cotisations dues. Dès lors, il incombait à la débitrice de rapporter la preuve de leur règlement. L’absence de toute contestation de la part de la commune rendait la solution d’autant plus évidente.
II. Les conséquences de la carence probatoire du débiteur
L’inertie procédurale de la commune emporte des conséquences défavorables sur le fond (A) comme sur les accessoires de la créance (B).
A. La condamnation au principal
La commune n’ayant pas constitué avocat, elle n’a présenté aucun élément de nature à établir qu’elle s’était acquittée des cotisations réclamées. La cour en tire les conséquences en accueillant l’intégralité des demandes. Elle condamne la commune au paiement de 23 238,79 euros au titre des cotisations 2020 et de 8 102,59 euros au titre des cotisations 2021.
Cette solution illustre le risque encouru par le plaideur qui s’abstient de comparaître. Si le défaut de constitution avocat n’emporte pas reconnaissance des prétentions adverses, il prive le défaillant de toute possibilité de contester les éléments produits par son contradicteur. En l’espèce, les pièces versées par le créancier sont demeurées sans réplique.
B. L’accueil des demandes accessoires
La cour accueille également la demande relative aux majorations de retard pour les exercices 2018, 2020 et 2021, à hauteur de 2 353,85 euros. Elle fonde cette solution sur « l’examen des pièces n° 9.1 à 9.86 de l’appelante ». Le tribunal avait rejeté cette prétention au motif qu’aucune majoration n’avait été comptabilisée au titre de l’année 2019. La cour corrige cette analyse en relevant que les majorations portaient sur d’autres exercices.
La condamnation aux dépens d’appel et la confirmation des frais irrépétibles de première instance complètent les conséquences financières de la défaillance de la commune. Cette dernière supporte ainsi l’ensemble des frais de procédure. L’arrêt rappelle que l’inertie procédurale expose le plaideur à une condamnation aggravée par les accessoires de la dette.