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La recevabilité de l’appel formé contre une ordonnance du juge-commissaire en matière de vérification des créances suppose la mise en cause de l’ensemble des parties intéressées. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Grenoble le 3 juillet 2025 illustre les difficultés procédurales qui peuvent surgir lorsque l’appelant omet d’intimer une partie essentielle à l’instance.
En l’espèce, une société d’exercice libéral avait ouvert un compte courant auprès d’un établissement bancaire en mai 2019. Dans le cadre de cette relation, la banque lui avait consenti un prêt de 22 500 euros ainsi qu’une facilité de trésorerie commerciale de 10 000 euros. Par courrier du 29 septembre 2020, la banque a dénoncé cette facilité de trésorerie, dénonciation prenant effet le 29 décembre 2020. Le 16 juin 2021, le tribunal judiciaire de Valence a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 17 septembre 2021. Dans le cadre de la vérification des créances, le liquidateur judiciaire a contesté la créance déclarée par la banque pour un montant de 7 643,94 euros. Par ordonnance du 4 avril 2023, le juge-commissaire a rejeté cette contestation et admis la créance à titre chirographaire.
La société débitrice a interjeté appel de cette décision le 13 avril 2023, mais uniquement à l’encontre de la banque créancière, sans attraire le liquidateur judiciaire à la procédure. Par arrêt du 2 mai 2024, la Cour d’appel de Grenoble a constaté l’absence du liquidateur judiciaire et rouvert les débats afin que les parties s’expliquent sur l’incidence de cette omission. Le 23 mai 2024, la société débitrice a formé un second appel contre la même ordonnance, cette fois à l’encontre du seul liquidateur judiciaire. La société appelante soutenait que ce second appel tendait à régulariser le premier par la mise en cause du liquidateur, invoquant l’article 552 alinéa 2 du code de procédure civile relatif à la possibilité d’appeler les parties omises après l’expiration du délai d’appel. Le liquidateur judiciaire, pour sa part, s’en rapportait à justice.
La question posée à la cour était celle de savoir si un second appel formé contre une ordonnance du juge-commissaire, dirigé cette fois contre le liquidateur judiciaire initialement omis, pouvait être examiné indépendamment du premier appel formé contre le seul créancier.
La Cour d’appel de Grenoble a ordonné la réouverture des débats et renvoyé la cause devant le conseiller de la mise en état aux fins de jonction de la présente instance avec celle initialement engagée. Elle a réservé l’ensemble des demandes des parties.
Cet arrêt met en lumière l’exigence d’une mise en cause complète des parties dans le contentieux de la vérification des créances (I), tout en révélant les mécanismes de régularisation procédurale offerts par le droit positif (II).
I. L’indivisibilité du litige en matière de vérification des créances
La procédure de vérification des créances implique nécessairement la présence de toutes les parties intéressées (A), ce qui confère au contentieux un caractère indivisible commandant une solution uniforme (B).
A. La présence obligatoire de l’ensemble des parties au litige
L’article L. 624-2 du code de commerce organise la procédure de vérification des créances en imposant la participation du créancier, du débiteur et du mandataire judiciaire. La cour relève expressément qu’« il est impossible de statuer en l’absence du créancier, dont la créance a été admise et contestée par le débiteur ». Cette formulation souligne le caractère tripartite du contentieux de l’admission des créances.
Le juge-commissaire statue sur les contestations relatives aux créances déclarées au passif de la procédure collective. Sa décision affecte directement les droits du créancier déclarant, du débiteur dont le passif est concerné, et du mandataire judiciaire chargé de représenter l’intérêt collectif des créanciers. L’absence de l’une de ces parties prive la juridiction de la possibilité de trancher utilement le litige. La cour d’appel avait déjà, dans son arrêt du 2 mai 2024, constaté que le liquidateur judiciaire « n’a pas été intimée et qu’elle ne figure pas dans cette procédure d’appel ». Cette constatation imposait une réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur les conséquences de cette omission.
B. Le caractère indivisible du contentieux de l’admission
L’indivisibilité du litige résulte de la nature même de la décision du juge-commissaire. L’admission ou le rejet d’une créance au passif produit des effets erga omnes à l’égard de l’ensemble des parties à la procédure collective. Il serait incohérent qu’une créance soit simultanément admise dans un rapport et rejetée dans un autre.
La cour qualifie le second appel de « connexe avec l’appel initial ayant donné lieu à l’arrêt du 2 mai 2024 ». Cette connexité découle de l’identité d’objet des deux recours, tous deux tendant à la réformation de la même ordonnance du juge-commissaire. Le caractère indivisible du litige impose une jonction des instances pour éviter des décisions contradictoires. La cour ne pouvait statuer sur le second appel sans tenir compte du premier, dès lors que les deux procédures concernaient la même créance et la même ordonnance.
II. Les voies de régularisation procédurale
L’appelant dispose de moyens pour remédier à l’omission d’une partie (A), mais leur mise en œuvre suppose le respect de certaines conditions procédurales (B).
A. L’appel en cause des parties omises
L’article 552 alinéa 2 du code de procédure civile autorise l’appel en cause des parties intéressées qui n’auraient pas été intimées dans le délai initial. La société appelante invoquait précisément cette disposition pour justifier son second appel formé à l’encontre du liquidateur judiciaire. Ce mécanisme permet de préserver le droit d’appel de celui qui a commis une omission, tout en garantissant la présence de l’ensemble des parties devant la juridiction du second degré.
La cour observe que « le présent appel, dirigé contre le liquidateur judiciaire, tend à la régularisation de l’appel initial ». Cette qualification confirme que le second appel n’est pas autonome mais constitue le complément nécessaire du premier. L’appel en cause permet ainsi de reconstituer devant la cour le triptyque procédural requis en matière de vérification des créances. Le liquidateur judiciaire, en s’en rapportant à justice, n’a pas contesté la recevabilité de cette régularisation.
B. La nécessité d’une jonction des instances
La régularisation par appel en cause n’autorise pas pour autant un examen séparé des deux recours. La cour souligne que « le présent appel aurait ainsi dû faire l’objet d’une jonction avec l’instance enrôlée sous le numéro RG 23/1476 ». Cette jonction s’impose pour permettre un examen global du litige en présence de toutes les parties.
La solution retenue par la cour préserve les droits de chacun. Le créancier, intimé dans le premier appel, pourra faire valoir ses moyens de défense. Le liquidateur judiciaire, intimé dans le second appel, pourra exercer sa mission de représentation de l’intérêt collectif. Le débiteur, appelant dans les deux instances, verra ses contestations examinées de manière cohérente. La réouverture des débats et le renvoi devant le conseiller de la mise en état constituent la seule voie permettant d’aboutir à une décision unique sur l’admission de la créance litigieuse. La réservation de l’ensemble des demandes, y compris les dépens, confirme que la cour entend statuer sur le fond après jonction des deux instances.