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Par un arrêt du 5 août 2025, la Cour d’appel de Grenoble, chambre sociale, statue sur l’appel d’une ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Valence. Le litige naît d’une demande d’un salarié visant le versement d’une prime d’intéressement au titre de 2022, assortie d’intérêts de retard et de dommages-intérêts pour paiement tardif. La relation de travail, conclue en 2019, a pris fin par rupture conventionnelle au 30 avril 2024.
Saisi en référé avant l’achèvement des opérations collectives, le juge prud’homal a alloué des provisions et fixé les créances au passif. Une liquidation judiciaire est ensuite ouverte à l’encontre de l’employeur, des mandataires sont désignés, et l’institution de garantie des salaires intervient dans la cause. En appel, sont discutées la recevabilité de la voie de recours, l’éventuelle caducité, puis la compétence de la formation de référé pour apprécier des créances relevant du relevé salarial.
La cour confirme la recevabilité de l’appel, écarte la caducité, et retient l’incompétence du référé pour statuer sur ces créances nées du contrat de travail après ouverture de la liquidation. Elle renvoie les parties à se pourvoir au fond devant la formation de jugement, en déclarant les demandes irrecevables en référé.
I. Délimitation du référé et contrôle procédural
A. Recevabilité de l’appel et prorogation des délais
La cour rappelle d’abord les règles de computation des délais d’appel en matière de référé prud’homal. Elle énonce ainsi que « le délai d’appel d’une ordonnance de référé prononcée par le conseil de prud’hommes est de 15 jours ». Elle précise, s’agissant de l’échéance tombant un samedi, que « ce délai a été prorogé au lundi 7 octobre à vingt-quatre heures ». L’application combinée des articles 640 à 642 du code de procédure civile conduit donc à juger le recours recevable.
La sanction de caducité alléguée est pareillement écartée. La cour constate la notification des conclusions d’appelant aux parties non constituées dans le délai de l’article 906-2 du code de procédure civile. Le mécanisme accéléré du bref délai est respecté, sans grief relevé, ce qui clôt le débat procédural.
B. Champ du référé prud’homal et ses exceptions limitées
Sur le fond du pouvoir juridictionnel, la cour distingue nettement l’office du référé et celui du bureau de jugement. Elle souligne que « [l]a formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état […] pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». Elle ajoute, au regard de la jurisprudence, que « [c]ependant, la formation de référé du conseil de prud’hommes reste compétente […] pour prendre toute mesure conservatoire de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite […] (Cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-22.411) ».
La possibilité d’accorder une provision en cas d’obligation non sérieusement contestable demeure, mais son exercice ne peut contourner les règles spéciales des procédures collectives. Ces dernières déterminent la voie et le juge compétent pour les créances salariales, afin d’assurer l’égalité des créanciers et la cohérence des paiements garantis.
II. Compétence du bureau de jugement et conséquences pratiques
A. Relevé des créances et exclusion de la provision en référé
La cour qualifie la prime d’intéressement comme une créance née de l’exécution du contrat, exigible au titre de l’exercice 2022 et antérieure au jugement d’ouverture. À ce titre, « [e]lle est donc soumise à la procédure définie aux articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de commerce, qui prévoient la compétence exclusive du conseil de prud’hommes en sa formation de jugement pour les contestations sur les créances nées du contrat de travail, excluant ainsi la compétence du juge des référés ».
Cette règle de compétence exclusive vise la centralisation des créances sur le relevé établi par le mandataire. Elle conditionne aussi, en pratique, la mise en œuvre d’éventuelles avances par l’institution de garantie, sur présentation d’un relevé et dans les limites légales. Le référé ne peut, dans ce cadre, substituer une provision à la procédure ordonnée par la loi.
B. Portée de la solution pour la protection salariale et la sécurité des procédures
La solution s’achève par la formule de principe suivante : « Il résulte de ces développements qu’il convient de dire n’y avoir lieu à référé, de déclarer les demandes irrecevables, de renvoyer les parties à se pourvoir au fond et d’infirmer l’ordonnance de référé entreprise ». L’arrêt s’inscrit dans une ligne constante, rappelée par les références jurisprudentielles citées, qui réserve au bureau de jugement le contentieux des créances à inscrire au relevé.
La portée est double. D’une part, l’exigence de passer par la voie du fond garantit l’égalité de traitement des créanciers salariés et la discipline collective des paiements. D’autre part, le canal d’urgence demeure ouvert lorsque un « trouble manifestement illicite » est caractérisé, ce que la cour rappelle sans l’admettre ici. L’office des juges se trouve ainsi clarifié, la célérité cédant à la sécurité juridique lorsque l’architecture des procédures collectives l’exige.