Cour d’appel de Montpellier, le 19 juin 2025, n°21/01706

La Cour d’appel de Montpellier a rendu le 19 juin 2025 un arrêt relatif à la révision du taux d’incapacité permanente partielle consécutif à un accident du travail. Cette décision s’inscrit dans le contentieux récurrent opposant les caisses de sécurité sociale aux assurés sur l’évaluation de leurs séquelles professionnelles.

Un salarié, victime d’un accident du travail le 22 avril 2010, a vu son état consolidé le 16 février 2014 avec un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 45 %. Cette évaluation tenait compte d’une « atteinte fonctionnelle importante de la main droite chez un vendeur grande surface qui ne pourra pas reprendre son poste ». Le 6 mars 2018, la caisse primaire d’assurance maladie a notifié une révision ramenant ce taux à 30 % à compter du 1er mai 2017, au motif d’une amélioration constatée lors d’un examen clinique du 12 avril 2017.

L’assuré a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis, à la suite d’un rejet implicite, devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier. Le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier, par jugement du 16 février 2021, a fixé le taux d’incapacité à 45 % après avoir ordonné une mesure d’instruction exécutée par un médecin consultant. La caisse a interjeté appel.

L’organisme de sécurité sociale soutenait que le taux de 30 % avait été correctement évalué conformément aux articles R. 443-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, et que l’assuré ne rapportait pas la preuve d’une absence d’amélioration de son état. L’intimé demandait la confirmation du jugement et le maintien du taux à 45 %.

La question posée à la cour était de déterminer si la caisse pouvait valablement réviser à la baisse le taux d’incapacité permanente d’un assuré et, dans l’affirmative, quels éléments probatoires permettaient d’établir l’amélioration de son état de santé.

La Cour d’appel de Montpellier infirme le jugement de première instance et fixe le taux d’incapacité permanente partielle à 30 % à compter du 1er mai 2017. Elle retient que « la réalité d’une amélioration de l’état de santé de M. [U] est établie » et que ni le certificat médical produit par l’intéressé, ni le rapport de l’expert « ne développent aucune argumentation médicale contraire à celle présentée par la [caisse] ».

Cette décision invite à examiner d’une part les conditions de la révision du taux d’incapacité permanente (I), d’autre part la répartition de la charge de la preuve dans ce contentieux (II).

I. Le régime juridique de la révision du taux d’incapacité permanente

A. Le fondement légal de la faculté de révision

Les articles L. 443-1 et R. 443-1 du code de la sécurité sociale organisent la procédure de révision du taux d’incapacité permanente. La cour rappelle que « dans les deux premières années qui suivent la date de consolidation ou de guérison apparente, la caisse peut faire procéder à tout moment à une nouvelle fixation des réparations ». Au-delà de ce délai, un intervalle minimal d’un an doit séparer deux révisions, sauf accord des parties.

Cette faculté de révision reconnaît que l’état séquellaire n’est pas nécessairement figé après la consolidation. La cour souligne que « hormis les cas où les séquelles présentent d’emblée un caractère définitif, l’état de la victime est susceptible de subir, en aggravation ou en amélioration, une évolution spontanée ou du fait du résultat du traitement ». Le mécanisme vise à adapter l’indemnisation à la réalité médico-légale de la situation de l’assuré.

La révision constitue ainsi un instrument d’ajustement qui répond à la finalité indemnitaire du régime des accidents du travail. Elle permet aux caisses de réexaminer périodiquement les droits des assurés, ce qui préserve l’équilibre financier du système tout en garantissant une indemnisation proportionnée aux séquelles effectivement subies.

B. Les critères d’appréciation de la modification de l’état de santé

La cour précise les conditions substantielles de la révision. Elle énonce que « la révision suppose une modification de l’état de santé de la victime imputable à l’accident du travail dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation ». L’appréciation de cette modification s’effectue « à la date de la demande de révision ».

En l’espèce, le médecin conseil avait relevé plusieurs éléments d’amélioration. L’arrêt mentionne que « la mobilité globale de la main droite est fluide, la manipulation des documents se fait de façon aisée et autonome ». Il note également que « sur le plan fonctionnel il y a une amélioration (fermeture complète de la main, certaines pinces sont faites normalement d’autres de façon intermédiaire) ».

La cour accorde une importance particulière à la reprise d’activité professionnelle. Elle relève que l’assuré « a repris une activité professionnelle nécessitant une certaine mobilité de la main puisqu’il a créé son entreprise dans laquelle il travaille à la fabrication de pizzas ». Ce constat factuel, confronté à l’inaptitude totale au poste antérieur retenue en 2014, constitue un indice tangible d’amélioration fonctionnelle.

II. La charge de la preuve dans le contentieux de la révision

A. L’exigence d’une argumentation médicale structurée

La cour procède à une analyse critique des éléments probatoires produits par l’assuré. Elle constate que le certificat médical de son médecin traitant « se borne à mentionner que son état de santé ne s’est pas amélioré ». Cette affirmation péremptoire ne satisfait pas aux exigences de la démonstration judiciaire.

Le rapport du médecin consultant désigné par le tribunal reçoit un traitement similaire. La cour lui reproche de se « borner à décrire les séquelles et recueillir les doléances de l’intéressé, sans s’expliquer sur une éventuelle amélioration de son état de santé au regard des séquelles qu’il présentait à la date du 16 février 2014 ». L’absence d’analyse comparative entre les deux états successifs prive ce rapport de toute force probante sur la question centrale du litige.

Cette exigence d’une argumentation médicale contradictoire structure le contentieux de la révision. Il ne suffit pas de décrire un état séquellaire persistant. Il convient de démontrer, par une analyse comparative rigoureuse, l’absence d’évolution favorable ou l’aggravation des séquelles entre deux dates de référence.

B. Les insuffisances probatoires sanctionnées

La cour écarte également les photographies produites par l’assuré. Elle relève qu’il ne justifie pas « de la date à laquelle ont été réalisés les clichés, de sorte qu’elles ne peuvent être prises en compte pour évaluer les séquelles au 1er mai 2017 ». Cette exigence de datation précise s’inscrit dans la logique du contentieux de la révision, où l’appréciation s’effectue à une date déterminée.

L’argument relatif à l’aide apportée par l’épouse de l’assuré dans son activité professionnelle ne modifie pas l’analyse de la cour. La circonstance qu’il ne puisse « exercer ses fonctions de restaurateur en pizzas sans l’aide de sa femme » ne contredit pas le constat d’une amélioration par rapport à l’inaptitude totale constatée initialement.

La cour conclut que « ni le certificat médical produit par l’intéressé, ni le rapport de l’expert ne développent aucune argumentation médicale contraire à celle présentée par la caisse ». Cette formulation révèle une conception exigeante de la contradiction. L’assuré qui conteste une révision à la baisse doit produire des éléments médicaux circonstanciés répondant point par point aux constatations du médecin conseil.

Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les juridictions du contentieux de la sécurité sociale apprécient les éléments de preuve en matière de révision de taux d’incapacité. Elle rappelle que la simple contestation verbale ou les certificats médicaux laconiques ne suffisent pas à renverser les constatations documentées du médecin conseil de la caisse.

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Hassan KOHEN
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