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La location saisonnière conclue par l’intermédiaire d’une plateforme numérique suscite des contentieux dont les contours juridiques demeurent parfois incertains. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 3 juillet 2025 en offre une illustration significative, à travers un litige opposant un locataire à son bailleur au sujet des conditions de fin d’occupation d’un meublé de tourisme.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Un particulier a réservé un studio meublé par l’intermédiaire de la plateforme AirBnB pour une période du 27 novembre au 1er décembre 2019, moyennant un prix de 261,69 euros. Le locataire a ensuite contacté directement le propriétaire afin de prolonger son séjour à plusieurs reprises, cette extension s’effectuant hors plateforme. Un virement de 675 euros a été réalisé pour couvrir la période prolongée jusqu’au 18 décembre 2019. À cette date, le bailleur s’est présenté au logement accompagné d’un tiers et a demandé au locataire de quitter les lieux. Ce dernier a déposé plainte les 20 décembre 2019 et 13 février 2020, invoquant une expulsion abusive ainsi que des menaces et une séquestration. Par courrier du 13 juillet 2020, il a mis en demeure le bailleur de lui verser une somme de 2 637 euros en réparation de ses préjudices.
Sur le plan procédural, le locataire a assigné le bailleur devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montpellier le 15 décembre 2021. Par jugement du 31 août 2023, cette juridiction a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur, débouté le demandeur de l’ensemble de ses prétentions et condamné ce dernier à verser 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. L’appelant a interjeté appel le 2 novembre 2023. Devant la cour, il sollicitait l’infirmation du jugement et la condamnation de l’intimé à lui verser diverses sommes au titre du remboursement du séjour pour non-conformité du logement, du préjudice moral, des frais d’expertise médicale, des frais d’hébergement d’urgence et du préjudice lié à un signalement prétendument frauduleux. L’intimé concluait à la confirmation intégrale de la décision de première instance.
La question posée à la cour était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si le bailleur avait commis une faute contractuelle en délivrant un logement non conforme. Il convenait ensuite d’apprécier si les circonstances de la fin d’occupation caractérisaient une expulsion abusive génératrice de responsabilité délictuelle.
La Cour d’appel de Montpellier confirme le jugement en toutes ses dispositions. Elle retient que le grief de non-conformité du logement est justement écarté, relevant notamment que le locataire avait souhaité prolonger son séjour et indiqué dans un courriel du 15 décembre qu’il se sentait très bien dans le studio. Concernant les accusations de menaces et de séquestration, la cour considère que celles-ci ne sont étayées que par les propres déclarations du locataire et par le constat postérieur d’un trouble émotionnel, éléments insuffisants à établir la réalité des faits dénoncés.
Cet arrêt mérite examen tant au regard de l’appréciation des obligations du bailleur en matière de location meublée touristique (I) que de la charge de la preuve pesant sur celui qui allègue une expulsion abusive (II).
I. Le rejet du grief de non-conformité du logement loué
La cour écarte la demande de remboursement des loyers fondée sur une prétendue non-conformité du logement en relevant une contradiction dans le comportement du locataire (A), ce qui conduit à une application rigoureuse de l’obligation de délivrance conforme (B).
A. La contradiction comportementale du locataire comme obstacle à sa prétention
Le locataire invoquait une non-conformité du logement pour solliciter le remboursement des sommes versées au titre de la location. La cour relève une incohérence majeure dans cette argumentation. Elle indique qu’elle ne s’explique pas pourquoi si l’appartement présentait de tels défauts, le locataire a souhaité s’y maintenir. Cette observation procède d’une analyse factuelle du comportement des parties.
La contradiction est renforcée par un élément de preuve écrite. La cour mentionne les termes du courriel du 15 décembre dans lequel le locataire indiquait qu’il se sentait très bien dans le studio. Cette déclaration, émanant du demandeur lui-même, contredit frontalement son argumentation ultérieure relative à l’inhabitabilité des lieux. Le juge applique ici le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui.
Cette motivation illustre l’importance que revêt la cohérence des comportements dans l’appréciation des demandes indemnitaires. Un locataire qui prolonge volontairement et à plusieurs reprises son occupation ne peut ensuite raisonnablement prétendre que le logement était impropre à l’usage auquel il le destinait.
B. L’application de l’obligation de délivrance conforme en matière de location touristique
L’article 1709 du code civil définit le louage de choses comme le contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps moyennant un prix. Cette obligation implique la délivrance d’un bien conforme à sa destination. En matière de meublé de tourisme, les articles L. 324-1 et suivants du code du tourisme encadrent cette activité sans modifier substantiellement les règles du droit commun du bail.
La charge de la preuve de la non-conformité incombe au locataire qui s’en prévaut. En l’espèce, celui-ci ne rapportait pas cette preuve de manière suffisante. L’absence de réclamation contemporaine de l’occupation, la prolongation volontaire du séjour et les déclarations écrites positives constituent autant d’indices contraires à la thèse soutenue.
La décision rappelle que l’invocation d’un manquement contractuel suppose une démonstration probatoire cohérente avec l’attitude adoptée pendant l’exécution du contrat. Le premier juge avait justement écarté ce moyen et la cour approuve cette analyse sans réserve.
II. L’insuffisance probatoire des accusations portées contre le bailleur
La cour rejette les demandes fondées sur une prétendue expulsion abusive en relevant l’absence de preuve des faits allégués (A), ce qui conduit à une appréciation mesurée des témoignages et déclarations produits (B).
A. L’absence d’éléments probants établissant la réalité des faits dénoncés
Le locataire soutenait avoir été victime de menaces et d’une séquestration lors de l’intervention du bailleur le 18 décembre 2019. Il avait déposé plusieurs plaintes et saisi le doyen des juges d’instruction. Ces démarches procédurales ne suffisent pas à établir la matérialité des faits. La cour relève que les accusations ne sont étayées que par ses propres déclarations.
La juridiction d’appel souligne que nul ne démontre que ce dernier jour était inclus dans l’accord de prolongation. Cette précision est importante car elle conditionne la qualification juridique de l’intervention du bailleur. Si la location prenait fin le 18 décembre 2019, la demande de libération des lieux formulée ce jour-là ne constituait pas nécessairement une voie de fait.
La cour confirme ainsi que le seul ressenti subjectif d’une situation anxiogène ne permet pas de caractériser une faute civile. L’émotion exprimée a posteriori ne saurait suppléer l’absence de preuve des agissements fautifs imputés au défendeur.
B. La valeur probatoire relative des témoignages indirects
Les éléments produits par le locataire consistaient notamment dans le constat immédiatement postérieur fait par des tiers d’un fort trouble émotionnel. Une amie, une commerçante et un médecin avaient ainsi attesté de l’état de détresse dans lequel se trouvait l’intéressé après les faits. La cour juge ces éléments insuffisants à établir la réalité de ce qu’il dénonce.
Ces témoignages présentent en effet un caractère indirect. Ils attestent d’un état émotionnel mais non des circonstances qui l’auraient provoqué. La perception subjective d’une situation vécue comme anxiogène ne permet pas de reconstituer objectivement le déroulement des événements. Le bailleur et son accompagnateur contestaient la version des faits présentée par le locataire et leurs déclarations n’ont pas été contredites par des éléments probants.
La cour fait ainsi une application rigoureuse des règles de preuve en matière de responsabilité civile. L’article 1240 du code civil exige la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. La faute alléguée n’étant pas établie, les demandes indemnitaires ne pouvaient prospérer. La confirmation du jugement s’imposait donc, assortie de la condamnation de l’appelant aux dépens d’appel, la cour estimant toutefois ne pas devoir faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au stade de l’appel.