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L’abandon temporaire d’usufruit consenti lors de la liquidation du régime matrimonial obéit à un régime conventionnel dont les stipulations gouvernent le sort du bien indivis en cas de vente anticipée. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 2 juillet 2025 illustre les difficultés d’interprétation susceptibles de naître lorsque les anciens époux s’opposent sur les conditions de réalisation de leur patrimoine commun.
Deux personnes s’étaient mariées le 5 mai 1990 sous le régime de la séparation de biens. Leur divorce par consentement mutuel fut prononcé le 14 avril 2008. La convention de liquidation homologuée prévoyait un abandon d’usufruit au profit de l’ex-épouse sur l’appartement du couple pendant dix-huit années. Cette même convention stipulait que si l’ex-épouse souhaitait vendre seule avant l’expiration de ce délai, l’ex-époux ne pourrait s’y opposer mais le prix serait partagé par moitié sans compensation pour l’extinction de l’usufruit. L’ex-épouse prit la décision de vendre en 2021. L’ex-époux refusa de participer à la vente, après avoir signé un mandat à un prix supérieur. La vente fut réalisée par l’ex-épouse seule pour un montant de 3 230 100 euros. Une somme de 232 367,85 euros fut séquestrée.
L’ex-épouse assigna son ancien conjoint en réclamant le versement à son profit de la somme séquestrée. Elle soutenait que l’ex-époux avait manifesté un accord pour vendre en signant un mandat, de sorte que la clause prévoyant le partage par moitié ne trouvait pas application. Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 12 janvier 2023, rejeta ses demandes et ordonna le versement de la somme séquestrée au profit de l’ex-époux.
La question posée à la cour était double. Il convenait d’abord de déterminer si l’énumération des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel, sans mention expresse de l’infirmation demandée, opère effet dévolutif. Il fallait ensuite rechercher si le refus de l’ex-époux de consentir à la vente au prix proposé caractérise un accord pour vendre au sens de la convention de liquidation.
La Cour d’appel de Paris confirme le jugement entrepris. Elle juge d’abord recevable la déclaration d’appel en considérant que « ni l’article 901, ni l’article 562 du code de procédure civile ni aucune autre disposition n’exige que la déclaration d’appel mentionne, s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu’il en est demandé l’infirmation ». Sur le fond, elle retient que « les circonstances de la vente du bien par Mme [B] seule et non d’un commun accord sont bien celles visées par la clause » et ordonne le partage par moitié du prix de vente.
Cet arrêt appelle une analyse en deux temps. La cour rappelle les conditions de validité de la déclaration d’appel au regard de l’effet dévolutif (I), avant d’appliquer strictement les stipulations conventionnelles relatives à la vente anticipée du bien indivis (II).
I. La validation de la déclaration d’appel par l’énumération des chefs critiqués
La cour consacre une lecture souple des exigences formelles de la déclaration d’appel (A), en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’effet dévolutif (B).
A. L’absence d’exigence d’une mention expresse d’infirmation
L’intimé soulevait in limine litis l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel. Il reprochait à l’appelante de n’avoir pas précisé si elle demandait la réformation ou l’annulation du jugement. Il invoquait à l’appui de sa thèse un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 12 avril 2023 ayant jugé une telle déclaration sans objet.
La cour rejette cette argumentation en relevant que la déclaration d’appel « comporte bien le détail des chefs de jugement critiqués dont elle demande donc l’infirmation ». Elle se fonde sur les articles 542, 562 et 901 du code de procédure civile. Ces textes, dans leur rédaction applicable au litige, imposent à l’appelant d’indiquer les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité. Aucune disposition n’exige en revanche que soit mentionné le terme d’infirmation.
Cette solution préserve l’accès au juge d’appel. Le formalisme procédural, s’il assure la prévisibilité du débat, ne saurait devenir un obstacle dirimant lorsque la volonté de l’appelant est clairement identifiable. L’énumération détaillée des chefs critiqués suffit à circonscrire la saisine de la cour.
B. L’alignement sur la jurisprudence de la Cour de cassation
La cour se réfère expressément à l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 25 mai 2023. Selon cette décision, « aucun de ces textes ni aucune autre disposition n’exige que la déclaration d’appel mentionne, s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu’il en est demandé l’infirmation ».
Cette jurisprudence écarte la solution retenue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence invoquée par l’intimé. La cour parisienne s’inscrit résolument dans le sillage de la haute juridiction. Elle refuse de priver d’effet dévolutif une déclaration d’appel qui satisfait aux exigences textuelles en vigueur.
La portée de cette solution dépasse le cas d’espèce. Elle confirme que la cour d’appel est valablement saisie dès lors que les chefs critiqués sont identifiés avec précision. L’appelant n’a pas à employer de formule sacramentelle. Cette approche privilégie le fond sur la forme et garantit l’effectivité du droit d’appel.
II. L’application stricte des stipulations conventionnelles relatives à la vente anticipée
La cour interprète rigoureusement les termes de la convention de liquidation (A) et rejette la demande indemnitaire faute de faute établie (B).
A. La qualification de la vente comme réalisée par un seul indivisaire
La convention de liquidation distinguait deux hypothèses. Si les ex-époux vendaient d’un commun accord, l’usufruit donnait lieu à compensation. Si l’ex-épouse vendait seule avant l’expiration du délai de dix-huit ans, le prix était partagé par moitié « sans réfaction » et l’usufruit s’éteignait « sans compensation ».
L’appelante soutenait que la signature d’un mandat de vente par l’ex-époux caractérisait un « accord pour procéder à la vente » au sens de la convention. Elle distinguait cette notion de l’« accord pour vendre ». La cour rejette cette interprétation. Elle relève que l’ex-époux « s’est opposé à la vente au prix inférieur de 3 240 000 euros, ce qui ne peut constituer un abus de son droit ».
La cour constate également que « l’acte de vente a été signé sans la participation de M. [O], conformément à la convention ». L’ex-épouse a elle-même saisi le juge pour être autorisée à vendre seule. Elle ne peut ensuite soutenir que la vente aurait été réalisée d’un commun accord. Les faits contredisent sa thèse.
Cette interprétation respecte la lettre de la convention. Les parties avaient anticipé le désaccord sur la vente. Elles en avaient réglé les conséquences patrimoniales avec précision. La cour ne fait qu’appliquer ce que les ex-époux avaient librement négocié « avec les conseils d’un notaire ».
B. Le rejet de la demande indemnitaire pour absence de faute
L’appelante sollicitait subsidiairement des dommages et intérêts à hauteur de 242 367,85 euros. Elle invoquait la mauvaise foi de son ancien conjoint et son intention de lui nuire par un refus brutal de toute aide matérielle.
La cour applique les conditions de la responsabilité civile extracontractuelle posées par l’article 1240 du code civil. Elle exige la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. Elle juge que l’appelante « ne démontre pas que le comportement de M. [O] serait fautif ».
Le refus de consentir à une vente à un prix inférieur à celui initialement envisagé ne constitue pas une faute. La cour observe que « le prix de cette vente était nettement inférieur au prix de la vente initialement projetée ». L’ex-époux n’a fait qu’exercer son droit de propriété. L’absence d’accord pour vendre entrait précisément « dans les prévisions de la convention que les parties avaient librement négociée ».
La cour ajoute que l’appelante ne subit aucun préjudice. Elle « restait libre de vendre plus rapidement le bien ou de ne pas le vendre ». La convention lui offrait une alternative claire. Elle a choisi de vendre seule en connaissance des conséquences patrimoniales attachées à ce choix. Sa situation résulte de sa propre décision et non d’un comportement fautif de l’intimé.