Cour d’appel de Paris, le 8 juillet 2025, n°22/06974

Cour d’appel de Paris, 8 juillet 2025. La juridiction tranche un litige disciplinaire relatif à une mise à pied d’une journée prononcée pour départ anticipé et retard répété. L’affaire oppose un salarié d’une entreprise d’assistance aéroportuaire à son employeur, sur le terrain de la preuve des faits fautifs et de la proportionnalité de la sanction.

Le salarié, initialement embauché en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée après transfert d’activité, occupait un poste opérationnel soumis à des contraintes horaires strictes. Il a quitté son poste quarante-cinq minutes avant la fin de sa vacation un soir, puis s’est présenté en retard le lendemain matin.

Saisi en premier, le conseil de prud’hommes a rejeté l’ensemble des demandes indemnitaires. En appel, le salarié soutient l’absence de preuve, allègue une mesure de représailles, et sollicite la réparation d’un préjudice. L’employeur demande confirmation, produit un courriel hiérarchique, des plannings, des bulletins, et rappelle un avertissement antérieur non contesté.

La Cour confirme le jugement. Elle retient l’existence de pièces probantes, l’inapplicabilité du « doute » faute d’éléments contraires, et juge la mise à pied proportionnée au regard des manquements établis.

I. Le contrôle du bien-fondé de la sanction disciplinaire

A. Le cadre légal et le standard probatoire

La Cour mobilise la définition légale de la sanction disciplinaire, dont le périmètre est large et fonctionnel. Elle rappelle, en des termes clairs: « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »

Le contrôle probatoire est également explicitement fondé sur la règle d’office du juge prud’homal. Le texte applicable énonce: « en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. » La garantie protectrice demeure constante: « Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Le cadre légal ordonne ainsi une double exigence, de clarté des éléments fournis par l’employeur et de conviction juridictionnelle librement formée.

B. L’appréciation des preuves dans l’espèce

La base normative interne apparaît claire et accessible. Le règlement intérieur, régulièrement opposable, précise que « toute absence ou sortie anticipée non justifiée ou non autorisée constitue une faute pouvant être sanctionnée ». À cette norme s’ajoutent des plannings et des mentions salariales corroborant des retards, ainsi qu’un avertissement antérieur demeuré incontesté.

L’élément matériel du départ anticipé est rapporté par un courriel hiérarchique circonstancié, relayant une impossibilité de localiser l’agent avant la fin de la vacation. Les retards apparaissent sur les plannings et sur les bulletins, ce qui confère une valeur probante cumulative aux pièces versées, sans contradiction sérieuse opposée par le salarié.

Le cœur du raisonnement est fermement formulé par la juridiction d’appel: « aucun élément ne permet de remettre en cause la valeur probante des pièces produites par l’employeur, que les faits reprochés sont établis et que la sanction prononcée est proportionnée ». L’argument tiré de prétendues représailles est écarté, faute d’indices précis et concordants, tandis qu’une sanction parallèle d’un collègue pour le même épisode écarte l’idée d’un traitement isolé et répressif.

II. La proportionnalité de la mise à pied et sa portée

A. Critères retenus et équilibre des intérêts

L’appréciation de la proportionnalité procède du contexte fonctionnel et de la répétition temporelle des manquements. Les fonctions d’assistance aéroportuaire imposent ponctualité et disponibilité. La double occurrence, départ anticipé significatif puis retard, objectivise un manquement à l’obligation d’assiduité.

La mesure est quantitative et qualitative. Elle consiste en une journée de mise à pied, de portée limitée mais dissuasive. La lettre disciplinaire met d’ailleurs en évidence le choix d’une mesure inférieure à la rupture, en indiquant: « Par acte de clémence, nous ne poursuivons pas la procédure pouvant aller jusqu’au licenciement. » Le contrôle juridictionnel ne se substitue pas au pouvoir disciplinaire; il vérifie la justesse du rapport entre gravité du manquement et atteinte à la rémunération.

B. Enseignements et portée pour le droit disciplinaire

L’arrêt consacre une méthode probatoire pragmatique. Des pièces internes, contemporaines et concordantes, suffisent à emporter la conviction du juge, sauf éléments contraires aptes à faire naître un doute sérieux au bénéfice du salarié.

La solution illustre la conciliation entre exigence d’assiduité et protection du justiciable. La formule de sauvegarde demeure centrale: « Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Encore faut-il que ce doute existe, ce qui requiert une contestation étayée et documentée.

La portée de la décision est mesurée. Elle confirme une grille d’analyse constante: identification d’une norme interne claire, vérification d’indices factuels convergents, et contrôle de proportionnalité adapté à la fonction et aux antécédents disciplinaires. Elle invite, en pratique, à documenter rigoureusement les absences et retards, et à calibrer la réponse disciplinaire à la gravité des manquements établis.

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