Cour d’appel de Rennes, le 10 juillet 2025, n°21/05984

Par un arrêt rendu le 10 juillet 2025, la septième chambre prud’homale de la cour d’appel de Rennes s’est prononcée sur l’homologation d’un accord transactionnel intervenu entre un salarié licencié et ses anciens employeurs à l’issue d’une médiation judiciaire. Cette décision illustre l’articulation entre les modes alternatifs de règlement des différends et l’office du juge dans le contentieux social.

Un salarié avait été embauché en qualité d’agent de service sécurité incendie par une première société le 20 novembre 2012. Victime d’un accident du travail le 31 janvier 2016, il avait bénéficié d’un temps partiel thérapeutique avant de reprendre ses fonctions à temps complet le 1er février 2018. Le 12 juillet 2018, il obtenait le statut de travailleur handicapé. Le 1er avril 2019, une seconde société reprenait le marché sur lequel il était affecté mais refusait de reprendre son contrat de travail. La première société lui proposait alors un avenant pour l’affecter sur d’autres sites. Le salarié signait cet avenant avant de se rétracter le jour même. Après mise en demeure de justifier son absence, il était convoqué à un entretien préalable puis licencié pour faute grave le 17 mai 2019.

Le salarié saisissait le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement. Par jugement du 2 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Saint-Malo jugeait le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamnait solidairement les deux sociétés au paiement de diverses sommes. La société entrante interjetait appel. Par arrêt du 11 juillet 2024, la cour d’appel de Rennes ordonnait une médiation. Les parties parvenaient à un accord transactionnel et demandaient conjointement son homologation.

La question posée à la cour était de déterminer si l’accord transactionnel conclu à l’issue de la médiation judiciaire pouvait être homologué et produire ses effets en matière prud’homale.

La cour d’appel de Rennes homologue l’accord transactionnel, lui confère force exécutoire et constate l’extinction de l’instance emportant son dessaisissement. Elle relève que les parties sont « librement convenues de mettre un terme au litige qui les opposait en se consentant des concessions réciproques et significatives ».

L’analyse de cette décision conduit à examiner d’abord le cadre procédural de l’homologation de l’accord de médiation (I), puis les effets de cette homologation sur le contentieux prud’homal (II).

I. Le cadre procédural de l’homologation de l’accord de médiation

L’homologation d’un accord de médiation obéit à un régime procédural spécifique (A) qui implique nécessairement l’intervention du ministère public (B).

A. Le régime de la matière gracieuse applicable à l’homologation

La cour rappelle que « l’homologation relève de la matière gracieuse ». Cette qualification emporte des conséquences procédurales déterminantes. Le juge statue « sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties à l’audience ». L’article 131-12 du code de procédure civile permet aux parties de soumettre à tout moment l’accord issu de la médiation à l’homologation du juge.

Cette qualification de matière gracieuse peut surprendre dans un contentieux prud’homal par nature conflictuel. Le juge n’est pas saisi d’un litige à trancher mais d’un accord à valider. Son office se transforme : il ne dit plus le droit entre des parties adverses mais confère force exécutoire à un acte consensuel. La cour précise qu’il lui « appartient de donner force exécutoire à l’acte constatant l’accord des parties, que celui-ci intervienne devant lui ou ait été conclu hors sa présence ».

B. L’exigence de l’avis du ministère public

La cour fonde l’exigence de communication au parquet sur « l’application combinée des articles 809 et 953 du code de procédure civile ». Cette formalité substantielle garantit la conformité de l’accord à l’ordre public. En matière prud’homale, cette exigence revêt une importance particulière compte tenu du caractère protecteur des dispositions du code du travail.

L’avocat général a fait connaître le 1er juillet 2025 qu’il « n’émet pas d’opposition à l’homologation de l’accord intervenu entre les parties ». Cette formulation négative traduit la nature du contrôle exercé. Le ministère public ne valide pas positivement l’accord mais vérifie l’absence d’atteinte à l’ordre public social. Son avis conditionne la régularité de la procédure d’homologation.

II. Les effets de l’homologation sur le contentieux prud’homal

L’homologation produit un effet extinctif sur l’instance (A) tout en soulevant la question de la portée de l’accord sur les droits du salarié (B).

A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge

La cour « constate l’extinction de l’instance emportant dessaisissement de la cour ». Cette formule traduit l’effet radical de l’homologation sur le contentieux pendant. Le jugement du conseil de prud’hommes du 2 septembre 2021 qui avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse se trouve privé d’effet. L’accord transactionnel « se substitue aux dispositions du jugement ».

Les parties avaient expressément « convenu que le licenciement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 mai 2019 est maintenu et produit tous ses effets ». Cette stipulation illustre la liberté contractuelle retrouvée par les parties dans le cadre transactionnel. Un licenciement jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par les premiers juges conserve finalement sa qualification initiale de faute grave par l’effet de l’accord des parties.

B. La question de la validité des concessions en matière sociale

La cour relève l’existence de « concessions réciproques et significatives ». Cette exigence constitue la condition de validité de toute transaction au sens de l’article 2044 du code civil. En matière prud’homale, le contrôle des concessions réciproques revêt une acuité particulière. Le salarié renonce à se prévaloir d’un jugement qui lui était favorable.

La décision ne détaille pas le contenu des concessions respectives. Cette discrétion s’explique par la confidentialité inhérente à la transaction. Le juge se borne à constater que les parties sont « librement convenues » de mettre fin au litige. La liberté du consentement du salarié constitue une condition essentielle de validité rarement discutée lorsque les parties sont assistées de leurs conseils respectifs et qu’une médiation judiciaire a précédé l’accord. L’intervention du médiateur judiciaire offre une garantie supplémentaire quant à l’équilibre de la négociation.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture