Cour d’appel de Rennes, le 11 juillet 2025, n°25/03733

La procédure de rectification d’arrêt, bien que relevant d’un contentieux incident, illustre une question classique de procédure civile : la possibilité pour une juridiction de corriger ses propres décisions après leur prononcé. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 11 juillet 2025 en offre une application limpide.

Un débiteur avait fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire. Par arrêt du 17 juin 2025, la troisième chambre commerciale de la cour d’appel de Rennes avait déclaré irrecevable sa demande tendant à l’infirmation du jugement prononçant la résolution de son plan, ordonné l’ouverture d’une liquidation judiciaire et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 30 janvier 2025. Le dispositif de cet arrêt renvoyait toutefois l’affaire devant le « tribunal judiciaire » du Mans pour désignation des organes et organisation de la poursuite de la procédure de « redressement judiciaire ». Le liquidateur judiciaire, désigné ès qualités, a saisi la cour d’une requête en rectification le 24 juin 2025, sollicitant la correction de ces mentions erronées. Le débiteur n’a formulé aucune observation.

La cour devait déterminer si les mentions litigieuses constituaient des erreurs matérielles susceptibles de rectification au sens de l’article 462 du code de procédure civile.

La cour d’appel de Rennes ordonne la rectification sollicitée. Elle relève que « l’erreur est établie par les pièces du dossier » et procède à la substitution des termes inexacts. Le « tribunal judiciaire du Mans » devient le « tribunal des affaires économiques du Mans » et la référence à la « procédure de redressement judiciaire » est remplacée par celle de « liquidation judiciaire », conformément à ce que la cour avait effectivement décidé.

Cet arrêt illustre le mécanisme de la rectification des erreurs matérielles affectant les décisions de justice (I) et conduit à s’interroger sur ses conditions d’application et ses limites (II).

I. Le fondement et les conditions de la rectification des erreurs matérielles

A. Le cadre légal de l’article 462 du code de procédure civile

L’article 462 du code de procédure civile autorise la rectification des « erreurs et omissions matérielles » affectant un jugement, « même passé en force de chose jugée ». Ce texte constitue une exception au principe d’intangibilité des décisions de justice. La cour rappelle expressément ce fondement en énonçant que la rectification peut être ordonnée « selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ».

La procédure obéit à des règles spécifiques. Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Lorsqu’il est saisi par requête, il peut statuer sans audience s’il estime n’avoir pas à entendre les parties. En l’espèce, le liquidateur avait saisi la cour par requête et le débiteur n’avait formulé aucune observation, permettant un traitement accéléré du litige.

B. La caractérisation de l’erreur purement matérielle

La distinction entre erreur matérielle et erreur de jugement revêt une importance capitale. Seule la première peut donner lieu à rectification ; la seconde relève des voies de recours ordinaires. L’erreur matérielle se définit comme une inadvertance dans l’expression de la pensée du juge, qui n’affecte pas le fond de sa décision. Elle résulte d’un décalage entre ce que le juge a voulu dire et ce qu’il a effectivement écrit.

En l’espèce, la qualification d’erreur matérielle ne faisait aucun doute. La cour avait expressément ordonné l’ouverture d’une liquidation judiciaire dans les motifs et le dispositif de son arrêt du 17 juin 2025. La mention d’une « procédure de redressement judiciaire » dans la phrase relative au renvoi constituait donc une contradiction interne manifeste. De même, la référence au « tribunal judiciaire » au lieu du « tribunal des affaires économiques » procédait d’une simple erreur de plume, le tribunal des affaires économiques étant la juridiction compétente depuis la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2025.

II. La portée et les effets de la décision rectificative

A. Le rétablissement de la cohérence de l’arrêt initial

La rectification opérée permet de rétablir la cohérence interne de l’arrêt du 17 juin 2025. Le dispositif rectifié renvoie désormais devant le tribunal des affaires économiques du Mans pour l’organisation de la procédure de liquidation judiciaire, conformément à ce que la cour avait jugé. Cette correction présente un caractère déclaratif : elle ne modifie pas le contenu de la décision mais rend explicite ce qui résultait déjà des motifs.

La cour ordonne que la décision rectificative soit mentionnée sur la minute et les expéditions de l’arrêt rectifié. Cette formalité assure la publicité de la correction et évite toute confusion dans l’exécution de la décision. Les tiers pourront ainsi prendre connaissance de la version corrigée du dispositif.

B. Le régime des dépens et l’absence de contestation

La cour laisse les dépens à la charge du Trésor Public. Cette solution s’explique par la nature de l’erreur rectifiée. Celle-ci procédait exclusivement d’une inadvertance de la juridiction elle-même. Il eût été injuste de faire supporter au liquidateur les frais d’une procédure rendue nécessaire par une défaillance rédactionnelle de la cour.

L’absence d’observation du débiteur mérite d’être soulignée. Le caractère évident des erreurs rendait toute contestation vouée à l’échec. La procédure de rectification a ainsi pu aboutir rapidement, moins d’un mois après le prononcé de l’arrêt initial. Cette célérité illustre l’efficacité du mécanisme de l’article 462 lorsque l’erreur ne prête pas à discussion.

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Hassan KOHEN
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