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Je vais lire la décision que tu m’as soumise et rédiger un commentaire d’arrêt.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion le 29 août 2025 offre l’occasion d’examiner le régime de la rectification d’erreur matérielle en matière de procédure civile. Cette décision, bien que portant sur une question apparemment mineure, soulève des interrogations relatives à l’articulation entre les outils numériques de saisine et les garanties procédurales des justiciables.
Une partie avait interjeté appel d’un jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion en date du 2 décembre 2022. Dans sa déclaration d’appel du 14 décembre 2022, transmise par voie électronique via le RPVA, le second prénom de l’appelante avait été erronément enregistré. Cette erreur s’était propagée à l’ensemble des actes de procédure jusqu’à l’arrêt du 20 septembre 2024. L’appelante a alors saisi la cour d’une requête en rectification d’erreur matérielle le 8 avril 2025, sollicitant la correction de son prénom tant dans l’en-tête de l’arrêt que dans son dispositif. L’intimé n’a déposé aucune conclusion en réponse.
La question posée à la juridiction était de déterminer si l’inexactitude affectant l’état civil d’une partie, résultant d’une erreur contenue dans l’acte de saisine et reproduite mécaniquement par le système informatique, constitue une erreur matérielle susceptible de rectification au sens de l’article 462 du code de procédure civile.
La cour a fait droit à la requête. Elle a constaté que « le jugement querellé du juge de l’exécution et les conclusions des parties ont toujours retenu l’état civil de l’appelante » avec le prénom exact. Elle a ordonné le remplacement du prénom erroné dans la première page et le dispositif de l’arrêt, précisant que la décision rectificative serait annexée à la minute.
Cette décision invite à analyser tant les conditions de mise en œuvre de la rectification d’erreur matérielle (I) que les implications de la dématérialisation des procédures sur l’identification des parties (II).
I. Les conditions de la rectification d’erreur matérielle
La cour rappelle le cadre classique de la rectification tout en l’appliquant à une situation révélatrice des difficultés contemporaines de la procédure civile.
A. Le domaine de l’erreur matérielle rectifiable
L’article 462 du code de procédure civile permet à la juridiction de rectifier les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision, même passée en force de chose jugée. La doctrine distingue traditionnellement l’erreur matérielle, qui procède d’une inadvertance, de l’erreur de droit ou de fait, qui relève des voies de recours ordinaires. L’erreur matérielle se caractérise par son évidence et son extériorité au raisonnement juridique.
En l’espèce, l’inexactitude portait sur le second prénom d’une partie. La cour relève qu’elle « résulte de la simple lecture de l’arrêt ». Cette formulation souligne le caractère manifeste de l’erreur, condition nécessaire à sa rectification. La cour observe que les pièces du dossier, notamment le jugement de première instance et les écritures des parties, mentionnaient le prénom exact. L’erreur ne procédait donc pas d’une appréciation erronée mais d’une défaillance purement formelle.
La rectification d’une erreur affectant l’identité d’une partie n’est pas nouvelle en jurisprudence. La Cour de cassation admet de longue date que les inexactitudes dans la désignation des parties constituent des erreurs matérielles rectifiables, dès lors qu’aucun doute n’existe sur l’identité réelle du plaideur. Tel était bien le cas en l’espèce, où seul le second prénom était en cause et où aucune confusion n’était possible.
B. Les modalités procédurales de la rectification
La requête en rectification peut être présentée par simple requête de l’une des parties ou par requête commune. En l’espèce, seule l’appelante a saisi la cour, l’intimé s’étant abstenu de conclure. Cette circonstance n’a pas fait obstacle à la rectification, la procédure de l’article 462 n’exigeant pas de débat contradictoire dès lors que l’erreur est évidente.
La cour précise les effets de sa décision avec rigueur. Elle ordonne que « la présente décision sera annexée à la minute de l’arrêt ainsi rectifié et qu’elle devra être signifiée avec l’arrêt du 20 septembre 2024 ». Cette mention répond aux exigences de l’article 462 alinéa 3 et garantit l’opposabilité de la rectification aux tiers. La décision rectificative ne se substitue pas à l’arrêt initial mais s’y incorpore, formant avec lui un tout indissociable.
La question des dépens mérite attention. La cour précise que ceux-ci « resteront à la charge de l’État ». Cette solution se justifie par l’origine de l’erreur, imputable non aux parties mais au système informatique de la juridiction. Elle traduit une forme de responsabilité institutionnelle dans la propagation de l’inexactitude.
II. L’incidence de la dématérialisation sur l’identification des parties
L’arrêt révèle une problématique nouvelle liée à l’utilisation des outils numériques dans le procès civil.
A. La propagation automatique des erreurs de saisine
La cour expose avec clarté le mécanisme ayant conduit à l’erreur. Elle relève que « cette erreur de l’acte de saisine a provoqué l’erreur des actes judiciaires subséquents compte tenu de l’enregistrement automatique de la saisine par l’outil RPVA ». L’observation est significative. Dans le système antérieur de saisine papier, chaque acte faisait l’objet d’une saisie manuelle, permettant potentiellement la détection et la correction des inexactitudes. La dématérialisation a supprimé ces filtres successifs.
La cour note avec une certaine ironie que « même la présente requête est enregistrée par la cour avec la même erreur de prénom compte tenu du transfert automatique du dossier à rectifier ». Cette remarque illustre la persistance de l’erreur malgré la procédure de rectification elle-même. Le système informatique, conçu pour assurer la cohérence des données, devient paradoxalement un vecteur de propagation des inexactitudes initiales.
Cette situation interroge sur les garanties offertes aux justiciables. L’identification exacte des parties constitue un élément essentiel de la procédure, conditionnant tant la validité des actes que l’autorité de la chose jugée. Une erreur sur l’état civil peut avoir des conséquences pratiques considérables, notamment en matière d’exécution forcée ou d’inscription au fichier des décisions civiles.
B. Les perspectives d’amélioration du dispositif
L’arrêt commenté ne formule pas de critique explicite du système RPVA. La cour se borne à constater l’origine de l’erreur et à y remédier par la voie appropriée. Cette retenue s’explique par les limites de l’office du juge, qui ne saurait se prononcer sur l’organisation administrative des greffes.
La décision invite néanmoins à une réflexion sur les moyens de prévenir de telles erreurs. Plusieurs pistes peuvent être envisagées. La première consisterait à instaurer un contrôle de cohérence entre les données saisies dans la déclaration d’appel et celles figurant dans le jugement attaqué. La seconde pourrait résider dans l’obligation pour le greffe de vérifier l’état civil des parties lors de l’enregistrement de l’affaire. La troisième supposerait de permettre aux parties de signaler et corriger les erreurs d’identification avant le prononcé de la décision.
La présente affaire illustre également les limites de la responsabilité des auxiliaires de justice. L’erreur initiale provenait de la déclaration d’appel rédigée par l’avocat de l’appelante. La cour n’en tire aucune conséquence, se bornant à rectifier l’erreur. Cette solution pragmatique évite d’alourdir la procédure mais laisse entière la question de la vigilance exigible des professionnels dans la rédaction des actes de saisine.
L’arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis du 29 août 2025 constitue une application classique du mécanisme de rectification d’erreur matérielle. Son intérêt réside moins dans la solution retenue, conforme aux principes établis, que dans l’éclairage qu’il apporte sur les dysfonctionnements potentiels de la procédure dématérialisée. À l’heure où la justice poursuit sa transformation numérique, cette décision rappelle que l’automatisation des procédures ne dispense pas d’une vigilance constante sur l’exactitude des données fondamentales du procès.