La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 10 juillet 2014 un arrêt relatif aux critères d’exclusion des procédures de passation de marchés publics. Le litige concernait l’éviction d’un candidat ayant omis de régler deux cent soixante-dix-huit euros de cotisations sociales lors d’un appel d’offres de travaux. Un pouvoir adjudicateur a lancé en juin 2011 une consultation pour la réfection d’immeubles dont la valeur était inférieure au seuil de la directive européenne. Après avoir attribué le marché, l’entité publique a constaté l’existence d’une infraction aux règles de sécurité sociale et a annulé l’adjudication initiale. Le candidat évincé a contesté cette décision devant le Tribunal administratif régional pour la Lombardie, lequel a saisi la juridiction européenne d’une question préjudicielle. Le problème de droit porte sur la compatibilité d’une législation nationale imposant l’exclusion automatique pour une dette sociale supérieure à cent euros avec le principe de proportionnalité. La Cour juge que les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’opposent pas à une telle réglementation de rigueur.
**I. La reconnaissance d’une restriction proportionnée aux libertés de circulation**
L’exclusion d’un soumissionnaire pour non-paiement de cotisations sociales constitue une mesure nationale susceptible de gêner l’exercice des libertés d’établissement et de prestation de services. La Cour précise que « l’application d’une disposition, qui exclut de la participation aux procédures de passation de marchés publics de travaux les personnes coupables d’infractions graves » limite la concurrence. Cette restriction est toutefois admise car elle poursuit un objectif légitime lié à la fiabilité, à la diligence et au sérieux de l’opérateur économique. La juridiction souligne qu’un impayé de cotisations tend à indiquer l’absence de comportement correct du candidat vis-à-vis de ses propres salariés et de la collectivité.
L’encadrement de cette exclusion par des seuils chiffrés répond aux exigences de prévisibilité et de non-discrimination attendues dans le cadre du marché intérieur européen. « La définition d’un seuil précis d’exclusion […] garantit non seulement l’égalité de traitement des soumissionnaires mais aussi la sécurité juridique » nécessaire au bon fonctionnement des échanges. Le respect de ces principes constitue une condition essentielle de la proportionnalité d’une mesure restrictive imposée par un État membre à ses partenaires. Le juge européen valide ainsi l’utilisation de critères objectifs connus à l’avance pour écarter les opérateurs dont la situation sociale est irrégulière ou litigieuse.
**II. La préservation de l’autonomie nationale dans la définition de l’infraction grave**
La Cour rappelle que les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour fixer les conditions d’application des causes d’exclusion prévues par le droit de l’Union. Le législateur national peut choisir d’intégrer ces motifs avec un degré de rigueur variable selon les considérations juridiques, économiques ou sociales prévalant sur son territoire. En prévoyant un montant minimal de cent euros, la réglementation italienne constitue paradoxalement un assouplissement par rapport à la faculté d’exclure tout opérateur n’étant pas en règle. « L’article 45, paragraphe 2, de la directive 2004/18 n’envisage pas une uniformité d’application des causes d’exclusion » au niveau de l’ensemble des nations européennes.
La solution est d’autant plus évidente pour les marchés dont la valeur totale est située en dessous des seuils fixés par la coordination communautaire des procédures. Ces marchés ne sont pas soumis aux règles rigoureuses de la directive mais doivent simplement respecter les principes fondamentaux du traité dont la proportionnalité. Le fait que le seuil d’exclusion fiscale soit nettement plus élevé que le seuil social n’affecte pas la cohérence globale de la mesure critiquée. Les juges concluent que les articles 49 et 56 du traité « ne s’opposent pas à une réglementation nationale » obligeant à exclure un soumissionnaire pour une telle infraction. L’absence de marge discrétionnaire laissée au pouvoir adjudicateur pour apprécier la fiabilité du candidat demeure donc conforme aux exigences du droit positif.