Cour de justice de l’Union européenne, le 10 septembre 2019, n°C-123/18

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 10 septembre 2019, une décision majeure concernant le régime de la responsabilité extracontractuelle des institutions. Le litige opposait une entité privée à une institution européenne suite à l’adoption de mesures de gel des avoirs dans un contexte de relations internationales. La requérante demandait réparation pour le préjudice subi du fait de l’illégalité des actes ayant conduit à son inscription sur des listes de sanctions. En première instance, le Tribunal de l’Union européenne avait rejeté la demande indemnitaire par un arrêt du 13 décembre 2017, faute de violation caractérisée. Un pourvoi fut introduit devant la Cour de justice pour contester l’interprétation restrictive des conditions d’engagement de la responsabilité pour faute de l’Union. Le problème juridique résidait dans la détermination des critères permettant de qualifier une méconnaissance de l’obligation de motivation de violation suffisamment grave du droit. La Cour de justice prononce l’annulation de la décision attaquée, considérant que le juge du fond a commis des erreurs d’analyse juridique substantielles. L’étude de cette décision s’articulera autour de l’analyse des conditions de la responsabilité avant d’envisager les conséquences du renvoi pour la protection des administrés.

I. Une appréciation erronée des conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union

A. La reconnaissance de la gravité de la méconnaissance de l’obligation de motivation

L’arrêt souligne que le Tribunal de l’Union européenne a méconnu les principes régissant la responsabilité extracontractuelle en minimisant l’impact du défaut de motivation. La Cour affirme que « le Tribunal a commis une erreur de droit en n’examinant pas si les manquements identifiés dépassaient les limites de la marge d’appréciation ». Cette exigence impose aux juges de vérifier si l’imprécision des motifs a privé le justiciable de la possibilité de contester utilement la mesure litigieuse. Une telle défaillance administrative ne saurait être qualifiée de simple irrégularité formelle sans conséquence sur la légalité substantielle de l’action menée par l’institution européenne.

B. La sanction de l’erreur d’analyse commise par le juge de première instance

Le juge de cassation censure la décision précédente au motif que l’absence de preuves matérielles suffisantes constitue une méconnaissance manifeste du pouvoir d’appréciation. Il rappelle que « l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de la règle de droit doit s’apprécier au regard de la complexité des situations à régler ». Le Tribunal n’avait pas tiré les conclusions nécessaires de l’annulation des actes initiaux, se contentant d’une approche théorique déconnectée de la réalité du dommage. La Cour de justice rétablit ainsi une hiérarchie des normes où la protection des droits fondamentaux l’emporte sur l’opportunité politique des décisions internationales. Le rétablissement de la légalité par la Cour de justice prépare le terrain pour une nouvelle analyse des conséquences dommageables de l’action administrative.

II. L’exigence de protection des droits des administrés face aux mesures restrictives

A. L’affirmation du droit à une réparation effective pour les victimes d’actes illégaux

La jurisprudence renforce ici l’obligation pour les institutions de respecter scrupuleusement les garanties procédurales lors de l’adoption de décisions individuelles de portée générale. Elle consacre le principe selon lequel « un manquement à l’obligation de motivation est, en principe, susceptible d’engager la responsabilité de l’Union » sous certaines conditions. La Cour rappelle que le système de protection juridictionnelle ne serait pas complet s’il se limitait à la seule annulation des actes administratifs viciés. Ce droit à réparation constitue un contrepoids indispensable au large pouvoir discrétionnaire dont dispose l’autorité publique dans le domaine de la sécurité extérieure.

B. La portée du renvoi de l’affaire devant le Tribunal de l’Union européenne

En ordonnant le renvoi, la Cour permet une nouvelle évaluation des faits afin de déterminer le montant exact des dommages-intérêts dus à la victime. Le Tribunal devra désormais examiner si le lien de causalité entre les illégalités constatées et les pertes financières de la société est suffisamment direct. Cette étape garantit au justiciable que les erreurs commises par l’institution ne resteront pas sans suites concrètes pour la pérennité de son activité commerciale. L’affaire souligne enfin la nécessité pour le juge de première instance de se conformer strictement à l’interprétation du droit délivrée par la juridiction supérieure.

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Hassan KOHEN
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