La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 13 décembre 2012 une décision capitale concernant la recevabilité des recours. Une société fut sanctionnée par une autorité de régulation pour sa participation à un cartel sur le marché du tabac brut. La requérante entra en liquidation judiciaire avant que sa société mère ne procède au règlement complet de l’amende administrative imposée. Le Tribunal de l’Union européenne rejeta son recours au motif que le paiement éteignait l’intérêt personnel de la filiale à agir. La requérante soutient qu’elle conserve un intérêt moral et juridique à voir annuler la décision constatant l’existence d’une infraction complexe. La Cour doit déterminer si la disparition formelle d’une créance publique supprime l’intérêt à agir d’une entité en cours de liquidation. Elle annule le jugement de première instance et juge que la requérante dispose toujours d’un intérêt né et actuel à agir. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la persistance de l’intérêt à agir avant d’envisager la protection du droit au recours.
I. La reconnaissance de la persistance de l’intérêt à agir de la filiale
A. L’erreur d’appréciation du Tribunal sur les effets du paiement de l’amende
Le Tribunal avait jugé que le paiement de la sanction par la société mère entraînait la disparition de l’intérêt à agir. La Cour de justice censure cette analyse car « l’intérêt à agir d’un requérant ne disparaît pas nécessairement du seul fait » du paiement. L’extinction de la dette financière vis-à-vis de l’institution ne saurait suffire à rendre le recours en annulation sans objet légitime. La juridiction supérieure rappelle qu’un arrêt d’annulation est susceptible de procurer un bénéfice certain à la personne morale initialement sanctionnée. Le juge européen considère ainsi que le paiement ne solde pas le litige juridique opposant l’entreprise à l’administration de l’Union.
B. Le maintien d’un intérêt juridique malgré la procédure de liquidation
La décision souligne que la responsabilité de la société mère demeure étroitement liée à la situation juridique de sa filiale opérationnelle. Une remise en cause de l’amende initiale peut modifier les rapports financiers entre les différentes entités du groupe de sociétés. La Cour précise que « la mise en liquidation d’une société n’entraîne pas nécessairement sa disparition immédiate » de la scène juridique. L’entité conserve la personnalité morale pour les besoins de sa liquidation et peut donc valablement contester une décision de sanction. Cette reconnaissance d’un intérêt persistant impose alors un retour à l’examen de la légalité de l’acte par le juge du fond.
II. La protection du droit au recours et les suites du litige
A. L’exigence d’un contrôle juridictionnel complet de la sanction administrative
Le juge de l’Union doit garantir un accès effectif à la justice pour les entreprises faisant face à des amendes importantes. Une interprétation trop restrictive de la recevabilité risquerait de soustraire des actes administratifs complexes à tout contrôle de légalité sérieux. La Cour affirme que l’intérêt de la requérante persiste tant que la décision litigieuse continue de produire des effets préjudiciables. Ce contrôle juridictionnel est indispensable pour vérifier si l’autorité de concurrence a respecté les droits de la défense durant l’enquête. La garantie d’une protection juridictionnelle complète justifie par conséquent le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de l’Union européenne.
B. Les conséquences procédurales du renvoi de l’affaire devant le premier juge
L’annulation du premier arrêt conduit au renvoi de l’affaire devant le Tribunal pour un examen approfondi des moyens de fond. La juridiction de première instance devra désormais se prononcer sur la validité de la qualification de l’infraction et du montant. La Cour de justice décide également de réserver les dépens relatifs à la présente instance devant la juridiction de recours. Cette solution préserve les droits de la requérante tout en assurant une bonne administration de la justice au sein de l’Union.