La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 11 juillet 2013, une décision relative à la naissance d’une dette douanière lors d’un vol.
Le 6 octobre 2007, des pièces de bijouterie placées sous le régime de l’entrepôt douanier ont été dérobées lors d’un vol avec séquestration. L’administration a émis un avis de mise en recouvrement le 16 novembre 2007 pour réclamer les droits de douane et la taxe correspondante. Le tribunal d’instance du 10e arrondissement de Paris a d’abord annulé l’avis concernant la taxe par un jugement rendu le 3 juin 2009. Saisie par l’administration, la cour d’appel de Paris a confirmé l’annulation de la taxe et réformé le jugement sur la dette douanière le 7 décembre 2010. La juridiction d’appel a retenu que le vol constituait un cas de force majeure exonérant l’opérateur en raison de la brutalité de l’agression.
La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation du code des douanes. Les juges doivent déterminer si le vol en entrepôt constitue une perte irrémédiable de la marchandise ou une soustraction à la surveillance douanière. La Cour de justice répond que le vol constitue une soustraction à la surveillance faisant naître la dette et entraînant l’exigibilité immédiate de la taxe. Cette décision repose sur la qualification de la soustraction à la surveillance douanière et sur l’alignement des régimes fiscaux et douaniers applicables.
I. La qualification du vol comme soustraction à la surveillance douanière
A. L’identification d’un acte de soustraction
La Cour rappelle que la notion de soustraction doit comprendre tout acte empêchant l’autorité douanière d’accéder à une marchandise sous sa surveillance. Le vol d’une marchandise placée sous un régime suspensif a pour conséquence directe de déplacer physiquement les biens hors de l’entrepôt sans dédouanement préalable. Une telle situation empêche les autorités de réaliser les contrôles prévus par la réglementation, même si l’absence d’accès n’est que purement momentanée. Les juges considèrent ainsi que « le vol de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier constitue une soustraction desdites marchandises » au sens juridique.
Ce manquement aux obligations liées au régime douanier écarte l’application d’autres dispositions relatives aux introductions irrégulières ou aux simples manquements aux conditions d’utilisation. Le vol est donc appréhendé comme une rupture de la surveillance douanière, ce qui conduit à interroger la possibilité d’invoquer une cause d’exonération.
B. L’inapplicabilité de l’exonération pour force majeure
La juridiction souligne que l’article 206 du code des douanes exclut la naissance d’une dette uniquement en cas de destruction ou de perte irrémédiable. Cependant, cette dérogation ne peut trouver à s’appliquer que dans les situations relevant des articles 202 et 204 du code des douanes communautaire. Le vol étant qualifié de soustraction à la surveillance, il relève exclusivement de l’article 203 qui ne prévoit aucune exception liée à la force majeure. La Cour précise ainsi que « l’article 206 du code des douanes ne permet pas d’exclure la naissance d’une dette douanière » dans cette hypothèse.
L’entrepositaire reste tenu au paiement des droits car la marchandise est présumée avoir rejoint le circuit économique de l’Union malgré le vol commis. La naissance de cette dette douanière impacte directement le traitement fiscal de l’opération, notamment en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée.
II. L’exigibilité automatique de la taxe sur la valeur ajoutée
A. L’alignement temporel des faits générateurs
Selon la directive européenne, le fait générateur de la taxe intervient normalement au moment où l’importation de la marchandise est effectivement réalisée. Toutefois, le texte prévoit un lien étroit lorsque les biens sont soumis à des droits de douane établis dans le cadre d’une politique commune. La taxe devient alors exigible au moment même où interviennent le fait générateur et l’exigibilité des droits de douane dus à l’importation. La Cour affirme que « le vol de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier fait intervenir le fait générateur et l’exigibilité » de la taxe.
L’exigibilité des droits douaniers entraîne donc mécaniquement celle de la taxe, sans qu’il soit nécessaire de démontrer une livraison de biens à titre onéreux. Cet automatisme fiscal découle de la nature même de l’importation, laquelle se trouve consommée par la sortie irrégulière de la marchandise hors du régime.
B. La confirmation d’une présomption d’entrée dans le circuit économique
La solution retenue confirme une jurisprudence ancienne selon laquelle le vol ne constitue pas une cause d’extinction de l’obligation douanière pour le débiteur. Le juge européen maintient la présomption que la marchandise volée passe dans le circuit économique, justifiant ainsi la perception des taxes et des droits. Cette approche rigoureuse vise à protéger les ressources propres de l’Union en évitant que des marchandises ne circulent sans avoir acquitté les prélèvements obligatoires.
La Cour écarte l’argument fondé sur l’absence de livraison à titre onéreux car le fait générateur invoqué est ici l’importation irrégulière des bijoux. L’arrêt marque ainsi une volonté de stricte application des règles douanières, limitant les facultés d’exonération des opérateurs aux seuls cas limitativement énumérés. Ce commentaire illustre la primauté de la surveillance douanière sur les circonstances factuelles de la perte, garantissant l’intégrité du système fiscal communautaire.