Cour de justice de l’Union européenne, le 12 juillet 2012, n°C-269/09

Par sa requête, une autorité supranationale a demandé à la juridiction de constater qu’un État membre a manqué aux obligations lui incombant. Par un arrêt du 12 juillet 2012, la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur la conformité de cette législation nationale. La disposition litigieuse imposait aux contribuables transférant leur résidence à l’étranger l’intégration immédiate de tous les revenus non encore imputés dans leur dernière base imposable. L’autorité requérante a adressé une lettre de mise en demeure puis un avis motivé avant de saisir la juridiction pour constater le manquement aux obligations communautaires. Cette institution estimait que ce traitement pénalisait les personnes souhaitant quitter le territoire national par rapport à celles conservant leur résidence habituelle sur place. Des intervenants ont soutenu la validité de la mesure en invoquant la nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt légitimement dû. La question centrale consistait à déterminer si l’obligation de paiement immédiat de l’impôt sur des revenus réalisés, déclenchée par le seul transfert de résidence, entravait les libertés fondamentales. La juridiction a conclu à l’existence d’un manquement concernant les articles relatifs à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement et à la citoyenneté. Elle a toutefois rejeté le recours pour le surplus concernant l’accord sur l’Espace économique européen faute de mécanismes de coopération administrative suffisants avec les États tiers.

I. L’identification d’une entrave aux libertés de circulation

A. La caractérisation d’un traitement fiscal discriminatoire

Le juge de l’Union rappelle que les États membres doivent exercer leur compétence fiscale directe dans le respect rigoureux des dispositions du droit de l’Union. L’article 14 de la loi nationale créait une obligation d’acquittement anticipé de l’impôt pour les seuls contribuables transférant leur domicile en dehors du territoire. Cette différence de traitement est « de nature à défavoriser, sur le plan financier, les personnes transférant leur résidence à l’étranger » selon les motifs de la décision. Les ressortissants souhaitant exercer leur activité économique dans un autre État se trouvent ainsi dissuadés de quitter leur pays d’origine par une charge fiscale immédiate. La Cour rejette l’argument selon lequel la mesure serait neutre au motif qu’elle ne concerne que des revenus déjà réalisés par le contribuable concerné. Elle considère que la situation d’un résident transférant son domicile est objectivement comparable à celle d’un résident demeurant sur le territoire national pour l’imposition. Cette assimilation du traitement fiscal à une entrave discriminatoire trouve son prolongement dans l’analyse des conséquences financières directes subies par le contribuable intéressé.

B. L’assimilation du désavantage de trésorerie à une restriction

L’arrêt souligne que le retrait d’un avantage de report de paiement constitue un désavantage manifeste en termes de trésorerie pour le contribuable qui s’expatrie. La juridiction affirme que « l’exclusion d’un avantage de trésorerie dans une situation transfrontalière alors qu’il était octroyé dans une situation équivalente sur le territoire national constituait une restriction ». Cette analyse s’inscrit dans une jurisprudence constante assimilant la perte de liquidités à une restriction prohibée par les articles du traité sur le fonctionnement de l’Union. Le juge précise qu’une restriction même de faible portée ou d’importance mineure demeure interdite dès lors qu’elle gêne l’exercice effectif des libertés fondamentales garanties. L’obligation de payer l’impôt avant les résidents sédentaires prive l’intéressé de fonds dont il aurait pu disposer pour faciliter son installation dans l’État membre d’accueil. L’établissement d’une restriction aux libertés fondamentales impose alors l’examen des motifs impérieux d’intérêt général susceptibles de justifier une telle mesure fiscale nationale.

II. Le contrôle de proportionnalité des impératifs d’intérêt général

A. L’insuffisance des justifications tirées de la souveraineté fiscale

L’État défendeur invoquait la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition ainsi que la cohérence globale du système fiscal national pour justifier l’entrave. La Cour écarte la justification tirée de la répartition fiscale en soulignant que l’État d’origine ne perd pas sa compétence sur les revenus déjà réalisés. L’absence de conflit de juridiction entre l’État de sortie et l’État d’accueil rend l’argument inopérant puisque le montant de l’imposition est déjà définitivement arrêté. Le juge refuse également de retenir l’impératif de cohérence fiscale faute de lien direct démontré entre l’avantage du report et une compensation par un prélèvement précis. L’arrêt précise que « les exigences liées à la cohérence du régime fiscal et à la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition se recoupent » dans cette affaire particulière. Si les impératifs de souveraineté fiscale s’avèrent inopérants, la question du recouvrement forcé demeure au cœur de l’appréciation de la proportionnalité du dispositif litigieux.

B. La reconnaissance limitée de l’efficacité du recouvrement fiscal

L’efficacité du recouvrement des créances fiscales constitue un motif d’intérêt général légitime mais sa mise en œuvre doit respecter le principe essentiel de proportionnalité juridique. La Cour observe que les mécanismes de coopération administrative au sein de l’Union sont suffisants pour permettre à l’État d’origine d’assurer la perception de sa créance. L’assistance mutuelle prévue par les directives européennes offre un cadre adéquat pour obtenir les renseignements nécessaires et procéder au recouvrement forcé dans l’État membre d’accueil. L’exigence d’un paiement immédiat et définitif est jugée disproportionnée pour les mouvements intra-communautaires car des mesures moins restrictives permettent d’atteindre le même but de sécurisation. La solution diffère pour les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen n’appartenant pas à l’Union en raison de l’absence de conventions d’assistance. La restriction est ici validée car les autorités ne disposent d’aucun moyen effectif pour vérifier les déclarations ou contraindre les débiteurs résidant dans ces pays.

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Hassan KOHEN
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