La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 décembre 2012, une décision majeure relative aux aides nationales à l’emploi. Une travailleuse résidant en Allemagne a été engagée par une société privée établie au Luxembourg après y avoir accompli toute sa carrière professionnelle. L’employeur a sollicité le remboursement des cotisations sociales prévu par la loi pour l’embauche de chômeurs âgés de plus de quarante-cinq ans. L’administration a rejeté cette demande car l’intéressée n’était pas inscrite comme demanderesse d’emploi auprès du bureau de placement national. Le tribunal administratif de Luxembourg a confirmé ce refus en jugeant que la situation des non-résidents n’était pas comparable à celle des résidents. La Cour administrative de Luxembourg a donc interrogé le juge européen sur la conformité de cette condition de résidence au droit de l’Union. La Cour juge que l’article 45 TFUE s’oppose à une aide réservée aux seuls chômeurs inscrits auprès d’un service exigeant une résidence nationale. L’examen de cette restriction nécessite d’analyser l’entrave à la libre circulation des acteurs économiques puis l’absence de justifications valables à cette mesure.
I. L’entrave à la libre circulation des acteurs du marché du travail
A. L’application extensive de la protection européenne aux employeurs
La Cour rappelle que tout ressortissant exerçant une activité dans un État autre que sa résidence relève de l’article 45 du Traité. Cette protection s’étend aux demandeurs d’emploi et conserve des effets après la cessation de la relation de travail habituelle pour garantir les droits sociaux. Le juge précise que le droit d’être engagé sans discrimination doit avoir pour « complément le droit des employeurs de les engager ». Une société peut ainsi invoquer ces droits pour contester un refus de financement public lié à la résidence de son nouveau salarié.
B. Le caractère dissuasif de la condition de résidence pour l’embauche
L’exigence d’une inscription nationale, possible uniquement pour les résidents, crée une différence de traitement préjudiciable aux travailleurs ayant exercé leur mobilité. Cette réglementation désavantage les citoyens ayant établi leur domicile dans un État voisin tout en travaillant sur le marché du travail d’accueil. La mesure est « susceptible de dissuader un employeur d’engager un demandeur d’emploi » ne résidant pas sur le territoire de cet État. L’accès à l’emploi devient complexe pour le frontalier car son recrutement ne permet pas de bénéficier des aides financières prévues par la loi.
II. L’inexistence de justifications impérieuses à la discrimination indirecte
A. Le défaut de démonstration d’un objectif légitime par l’État
Le constat d’une telle restriction impose de rechercher si des raisons impérieuses d’intérêt général peuvent légitimer une telle mesure nationale. Une entrave n’est admissible que si elle poursuit un objectif légitime et respecte strictement le principe de proportionnalité au regard du droit. Le gouvernement n’a avancé aucun élément précis permettant d’étayer l’aptitude et la nécessité de cette condition de résidence pour favoriser l’emploi. Le juge européen refuse de suppléer d’office à l’absence de justifications pour valider une atteinte aux libertés fondamentales garanties par les traités.
B. La reconnaissance d’un lien d’intégration par l’activité professionnelle
La Cour souligne qu’une condition de résidence est inappropriée pour les travailleurs déjà insérés sur le marché du travail de l’État membre concerné. Ces travailleurs créent un lien d’intégration suffisant par le paiement des contributions fiscales et sociales liées à leur activité professionnelle habituelle. Ils contribuent ainsi au « financement des politiques sociales de cet État » et doivent bénéficier de l’égalité de traitement juridique complète. L’article 45 s’oppose donc à une aide subordonnée à une inscription dont l’accès est réservé aux seules personnes résidant sur le territoire.