Le 13 juin 2019, la Cour de justice de l’Union européenne précise les critères d’indépendance nécessaires à l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Un membre du conseil de surveillance d’une fondation percevait une rémunération annuelle fixe pour ses fonctions de contrôle stratégique et de conseil technique. L’administration fiscale estimait que cette activité, exercée de manière durable contre rémunération, justifiait l’imposition de l’intéressé au titre du système commun de taxe. Le Gerechtshof ’s-Hertogenbosch, cour d’appel de Bois-le-Duc, a sursis à statuer par une décision du 21 juin 2018 pour interroger la juridiction européenne. La question préjudicielle portait sur l’interprétation des articles 9 et 10 de la directive 2006/112/CE concernant la notion d’activité exercée de façon indépendante. La Cour écarte la qualification d’assujetti en soulignant l’absence de responsabilité individuelle et de risque économique propre pour le membre de cet organe. L’analyse de cette décision suppose d’examiner la reconnaissance du caractère économique de l’activité avant d’étudier le rejet motivé de la condition d’indépendance.
I. La qualification d’activité économique au sens de la directive TVA
A. L’existence d’une prestation de services à caractère permanent
La Cour confirme que l’activité de membre d’un organe de surveillance présente un caractère économique car elle est effectuée contre une rémunération réelle. Elle rappelle que « l’activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats », confirmant ainsi une approche purement objective. Le versement d’une somme forfaitaire annuelle confère à l’opération le caractère onéreux indispensable pour entrer dans le champ d’application de la taxe. L’existence d’un mandat de quatre ans garantit également la permanence des recettes, même si le membre n’exerce qu’un seul mandat au sein d’une entité.
B. L’absence d’exclusion automatique par le lien de subordination formel
Le litige présentait une ambiguïté puisque la rémunération était soumise à un prélèvement sur salaire selon une fiction légale prévue par le droit national. Toutefois, les juges européens relèvent que « les membres d’un tel conseil de surveillance ne sont pas liés par des instructions émanant de l’organe de direction ». Cette absence de lien de subordination hiérarchique classique exclut l’application de l’article 10 de la directive relatif aux salariés liés par un contrat. La fonction de tutelle exercée par le membre est jugée incompatible avec un rapport de subordination envers les organes qu’il est chargé de surveiller. La détermination de la qualité d’assujetti nécessite donc de vérifier si l’activité est exercée de façon indépendante au sens de l’article 9.
II. L’exigence d’indépendance conditionnée par l’assomption d’un risque économique
A. L’absence d’action sous une responsabilité individuelle propre
L’indépendance exige que la personne agisse en son nom et pour son propre compte, ce qui fait défaut en l’espèce selon les constatations effectuées. Le requérant n’agissait pas sous sa propre responsabilité car « les membres dudit conseil de surveillance ne sauraient exercer individuellement les pouvoirs conférés à ce conseil ». Le pouvoir de représentation appartient au collège et non à ses membres pris isolément, limitant ainsi leur exposition juridique personnelle envers les tiers. Cette absence de responsabilité individuelle constitue un obstacle majeur à la reconnaissance d’un exercice indépendant de l’activité économique par le membre du conseil.
B. L’inexistence d’un risque économique lié à la rémunération forfaitaire
Le critère décisif réside dans le fait que l’intéressé ne supporte aucun risque économique réel découlant de l’exercice quotidien de ses fonctions de contrôle. Sa rémunération est fixe et « ne dépend ni de sa participation aux réunions ni des heures de travail qu’il a réellement accomplies ». Contrairement à un entrepreneur classique, le membre n’exerce aucune influence significative sur ses recettes ou ses dépenses, rendant sa situation financière très stable. La Cour conclut que « n’exerce pas une activité économique de façon indépendante » une personne dont la rémunération ne varie pas selon les aléas. Cette solution renforce la distinction entre le prestataire de services autonome et l’agent dont le revenu est garanti par un cadre statutaire fixe.