Cour de justice de l’Union européenne, le 13 octobre 2011, n°C-224/10

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 octobre 2011, une décision relative à l’interprétation de la directive 91/439 concernant les permis de conduire. Ce litige porte sur la validité d’une catégorie de véhicule obtenue à l’étranger alors que le titre initial de base est lui-même entaché d’une irrégularité.

Un ressortissant national a subi une mesure de rétention de son titre de conduite par les forces de police à la suite d’une conduite alcoolisée. Pendant cette période de contrainte, l’intéressé a sollicité et obtenu un permis de catégorie B auprès des autorités d’un autre État membre de l’Union. Les mentions portées sur ce nouveau document indiquaient une résidence située sur le territoire de l’État d’origine, en méconnaissance des règles de séjour requises.

Une juridiction nationale a ultérieurement prononcé le retrait judiciaire définitif du titre initial, assorti d’une période d’interdiction de solliciter une nouvelle autorisation de circuler. Après l’expiration de ce délai, le conducteur a obtenu la catégorie D auprès des autorités du même État étranger pour la conduite des autocars. Interpellé ultérieurement sur le territoire national, il a été poursuivi pénalement pour conduite sans titre de circulation valable par le ministère public.

L’Amtsgericht Achern a d’abord rejeté la demande d’ordonnance pénale en estimant que l’autorisation étrangère de catégorie D était opposable sur le sol national. Le ministère public a alors porté l’affaire devant le Landgericht Baden-Baden, lequel a décidé d’interroger la Cour de justice sur la portée de cette reconnaissance. Le juge européen doit déterminer si un État peut refuser la validité d’une catégorie de permis obtenue régulièrement mais reposant sur une base viciée.

La Cour répond que les articles de la directive ne s’opposent pas au refus de reconnaissance d’une catégorie D basée sur une catégorie B irrégulière. Elle souligne que le permis de base constitue une condition préalable indispensable dont la validité commande celle des autorisations de conduite obtenues par la suite.

**I. La fragilité du titre de conduite initial comme obstacle à la reconnaissance mutuelle**

La décision réaffirme les conditions strictes permettant de déroger au principe fondamental de reconnaissance automatique des permis de conduire au sein de l’espace européen.

**A. L’irrégularité de l’obtention de la catégorie de base**

Le juge européen rappelle que l’État membre de délivrance doit vérifier le respect des conditions minimales, notamment celles relatives à la résidence normale du candidat. « Le non-respect de la condition de résidence normale […] est susceptible à lui seul de justifier le refus par un État membre de reconnaître le permis de conduire ». Les mentions figurant sur le titre lui-même permettent ici d’établir que l’intéressé résidait toujours dans son État d’origine lors de la délivrance du document. Cette irrégularité formelle constitue un motif suffisant pour écarter l’obligation de reconnaissance mutuelle imposée par la directive applicable au litige.

**B. L’incidence temporelle des mesures de sûreté nationales**

La Cour précise que la mesure de rétention policière peut être assimilée à une mesure de suspension visée par les dispositions de la directive. Le permis de catégorie B a été délivré alors que le titre national faisait déjà l’objet d’une contrainte administrative justifiée par des motifs de sécurité. « Ladite directive ne s’oppose donc pas à ce que les autorités […] refusent de reconnaître […] le permis de conduire délivré […] pour les véhicules de catégorie B ». Cette solution protège la cohérence de l’action publique nationale face à des tentatives de contournement des sanctions pénales ou administratives par l’obtention de titres étrangers.

**II. L’extension du refus de reconnaissance aux catégories dérivées du permis de conduire**

Le raisonnement juridique s’étend ensuite à la validité de la catégorie D, soulignant l’interdépendance technique et légale des différentes autorisations de conduite.

**A. Le lien de subordination nécessaire entre les catégories de permis**

La structure de la directive établit une hiérarchie claire où l’obtention de certaines catégories suppose nécessairement la détention préalable et valide d’un permis de base. « Le permis de conduire pour les véhicules de catégorie B constitue une base indispensable et préalable à l’obtention d’un permis de conduire pour les véhicules de catégorie D ». Dès lors qu’un État peut légitimement ignorer la validité du socle initial, ce refus se propage logiquement à toutes les extensions ultérieures. La validité d’une catégorie supérieure ne saurait en effet purger les vices affectant l’autorisation de conduire qui lui a servi de support obligatoire.

**B. La primauté de l’objectif de sécurité routière sur le principe de reconnaissance automatique**

La Cour justifie son interprétation par la nécessité de garantir la sécurité des usagers, objectif mentionné explicitement dans les considérants de la réglementation européenne. Il serait contradictoire de permettre à un conducteur d’éluder une mesure d’éviction du réseau routier en se prévalant d’une qualification technique assise sur une fraude. « Il serait contraire à l’objectif de sécurité routière […] de ne pas permettre à un État membre d’accueil de refuser de reconnaître un permis de conduire pour les véhicules de catégorie D ». Cette position renforce l’efficacité des sanctions nationales tout en préservant l’intégrité du système de reconnaissance mutuelle des titres de circulation.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture