Cour de justice de l’Union européenne, le 13 octobre 2016, n°C-303/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le treize octobre deux mille seize, une décision fondamentale relative à la notion de règle technique. Deux personnes ont été poursuivies pour avoir organisé des jeux automatisés sans détenir l’autorisation d’exploitation requise par la législation nationale sur les jeux de hasard. Le tribunal d’arrondissement de Łódź a d’abord prononcé un non-lieu en considérant que la disposition nationale était une règle technique non notifiée à l’instance européenne. Saisie par l’autorité administrative, le tribunal régional de Łódź a interrogé la Cour sur la portée de l’obligation de notification prévue par la directive. Le problème juridique réside dans l’éventuelle qualification de règle technique d’une mesure soumettant l’exploitation de jeux à l’obtention d’une autorisation de casino. La Cour répond qu’une telle disposition ne relève pas de cette notion et échappe ainsi à l’obligation de notification préalable auprès des instances européennes. L’analyse portera sur l’exclusion de la qualification de règle technique avant d’examiner la confirmation d’une jurisprudence limitant la sanction de l’inapplicabilité.

I. L’exclusion de la qualification de règle technique pour les conditions d’exercice d’une activité

A. La distinction entre spécification technique et agrément préalable

La Cour précise que la notion de spécification technique suppose que la mesure nationale fixe nécessairement l’une des caractéristiques requises d’un produit industriel. Une disposition qui « soumet l’exercice d’une activité professionnelle à un agrément préalable » ne constitue pas une spécification technique au sens de la directive. Le juge européen souligne que la mesure litigieuse concerne uniquement l’accès à une activité et non les propriétés intrinsèques des machines de jeux utilisées. Cette solution permet de distinguer clairement les règles relatives aux produits de celles qui encadrent l’établissement des opérateurs économiques sur le marché national.

B. L’absence d’influence significative sur la commercialisation des produits

Le texte examine si l’exigence d’autorisation peut être qualifiée d’autre exigence susceptible d’influencer de manière significative la commercialisation du produit concerné. La juridiction relève que l’autorisation pour l’exploitation de casinos constitue une « condition imposée à l’égard de l’activité d’organisation » de tels jeux de hasard. Les mesures interdisant l’utilisation de produits en dehors de certains lieux diffèrent de cette disposition car elle ne vise pas directement les canaux de distribution. Le lien entre l’autorisation d’activité et la nature du produit apparaît trop indirect pour justifier une soumission aux formalités de notification obligatoires.

II. Le maintien de la législation nationale et la neutralisation de la sanction de notification

A. La confirmation d’une jurisprudence restrictive sur le champ de la directive

La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui limite le champ d’application de la directive aux interventions étatiques touchant directement la libre circulation des marchandises. Les dispositions se limitant à prévoir les conditions pour « l’établissement des entreprises ou la prestation de services » échappent traditionnellement à la qualification de règles techniques. Le juge refuse de suivre l’argumentation des institutions qui plaidaient pour un lien indissociable entre les différentes mesures de la loi nationale. Cette approche rigoureuse préserve l’autonomie des États membres dans la régulation administrative des secteurs sensibles comme celui de l’organisation des jeux d’argent.

B. L’inapplicabilité de la sanction de nullité aux mesures d’établissement

Le juge européen neutralise la sanction de l’inapplicabilité qui frappe ordinairement les mesures nationales non notifiées en écartant la qualification de règle technique. « Il n’y a pas lieu d’examiner les conséquences de la méconnaissance de l’obligation de notification » dès lors que la mesure n’entre pas dans le champ. Les juridictions nationales doivent appliquer la loi interne même si celle-ci n’a pas été formellement communiquée aux autorités de l’Union européenne. Cette décision limite le risque d’une liberté totale dans l’organisation des jeux de hasard qui résulterait d’une interprétation trop extensive de la directive.

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Hassan KOHEN
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