Cour de justice de l’Union européenne, le 14 février 2019, n°C-562/17

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 14 février 2019, précise les modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette décision concerne un assujetti établi hors de l’Union européenne sollicitant la restitution de taxes acquittées auprès des autorités fiscales d’un État membre.

Les faits révèlent qu’une société commerciale établie en Suisse a sollicité le remboursement de montants de taxe versés lors de livraisons de biens en Espagne. L’administration fiscale a constaté que les factures produites comportaient un numéro d’identification erroné et a exigé la production de documents rectificatifs de la part du demandeur. Faute de réponse dans le délai imparti pour certains trimestres de l’année 2009, une décision de refus de remboursement a été adoptée et est devenue définitive. L’assujetti a ultérieurement présenté des factures régularisées, mais l’administration a maintenu son refus en invoquant l’autorité de la chose jugée attachée à sa première décision.

Saisie d’un recours, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur la compatibilité d’une limitation temporelle de la rectification des factures avec le droit européen. Le problème de droit consiste à savoir si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale restreignant la régularisation de factures nécessaires au remboursement de la taxe. La Cour répond que les dispositions européennes « ne s’opposent pas à ce qu’un État membre limite dans le temps la possibilité de rectifier des factures erronées ». Cette solution sera étudiée en envisageant d’abord la reconnaissance d’une compétence procédurale nationale, avant d’aborder les limites imposées par les principes supérieurs.

I. La consécration de l’autonomie procédurale nationale en matière de remboursement

A. Le cadre spécifique de la treizième directive

La Cour de justice rappelle d’emblée que les modalités de remboursement aux assujettis non établis sur le territoire de l’Union sont régies par la treizième directive. Ce texte constitue une règle spéciale par rapport au régime général de déduction prévu par la directive de l’année 2006 sur le système commun de taxe. L’article 3 de cette directive énonce que les États membres déterminent les modalités d’introduction des demandes de remboursement, y compris les délais et les périodes concernées.

L’absence de régulation détaillée au niveau européen laisse ainsi une marge de manœuvre importante aux administrations nationales pour organiser les procédures de restitution de taxe. La Cour confirme que les États peuvent imposer aux requérants les obligations nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande et éviter tout risque de fraude. Cette autonomie permet aux autorités nationales de structurer leurs propres systèmes de contrôle sans intervention directe et systématique du législateur de l’Union européenne.

B. La légitimité des délais de forclusion pour la rectification des factures

L’arrêt souligne que l’instauration de délais dont l’échéance sanctionne le contribuable insuffisamment diligent relève exclusivement de la compétence du droit interne de chaque État membre. La possibilité d’introduire une demande de remboursement sans aucune limitation dans le temps porterait une atteinte manifeste au principe fondamental de la sécurité juridique. Ce principe exige que la situation fiscale de l’assujetti ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause par l’administration ou le contribuable.

La fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion protège simultanément les intérêts financiers de l’administration fiscale et la stabilité des situations juridiques. De tels délais ne sont pas contraires au droit de l’Union, même si leur écoulement entraîne irrémédiablement le rejet total ou partiel de l’action intentée. L’administration peut donc valablement refuser la prise en compte de factures rectificatives produites après l’adoption d’une décision devenue définitive au regard du droit national.

II. L’encadrement des restrictions par les principes fondamentaux du droit de l’Union

A. L’exigence de respect des principes d’équivalence et d’effectivité

Si les États membres sont libres d’organiser leurs procédures, ils doivent néanmoins respecter les principes d’équivalence et d’effectivité pour ne pas léser les administrés. Le principe d’équivalence impose que la procédure nationale s’applique de la même manière aux droits fondés sur le droit interne et à ceux issus du droit européen. Les personnes faisant valoir des droits conférés par l’Union ne doivent pas être moins bien traitées que celles invoquant des règles de nature purement interne.

Le principe d’effectivité interdit quant à lui toute modalité procédurale rendant en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits garantis par l’ordre juridique européen. La Cour précise que le juge national doit analyser la place de la disposition contestée dans l’ensemble de la procédure et son déroulement devant les instances. Une restriction temporelle est jugée proportionnée dès lors qu’elle laisse au contribuable une opportunité réelle de régulariser sa situation avant la clôture définitive du dossier.

B. La prise en compte de la diligence de l’assujetti dans l’exercice de ses droits

La solution retenue par la Cour de justice dépend étroitement du comportement de l’assujetti durant la phase administrative de traitement de sa demande de remboursement. Dans cette affaire, l’administration fiscale avait sollicité la fourniture de factures correctes et accordé un délai suffisant pour permettre à la société de répondre. L’assujetti n’a pas averti l’autorité de ses difficultés à obtenir les documents ni contesté la décision de refus dans les délais de recours contentieux.

Le droit au remboursement de la taxe ne saurait être exercé de manière absolue au détriment des règles de procédure dès lors que l’administration ignore les données nécessaires. L’arrêt conclut que la limitation temporelle est valide « pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés », ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier. La vigilance de l’opérateur économique demeure donc la condition essentielle pour préserver son droit à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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