Cour de justice de l’Union européenne, le 14 novembre 2018, n°C-215/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision importante, le quatorze janvier deux mille vingt et un, concernant la transparence administrative. Le litige oppose une banque commerciale, anciennement contrôlée par l’État, à une journaliste souhaitant accéder à des documents relatifs à des prestations de services. L’établissement financier refusait de communiquer les contrats de conseil et d’avocat, invoquant la protection nécessaire du secret des affaires et des intérêts commerciaux. La juridiction de première instance a rejeté le recours contre la décision du commissaire à l’information imposant la communication des données litigieuses. La Cour suprême de Slovénie a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle par une ordonnance de renvoi motivée. La requérante soutenait que le droit européen de la réutilisation des informations et les règlements bancaires interdisaient une telle communication forcée et absolue. Le problème juridique consiste à déterminer si le droit de l’Union s’oppose à une loi nationale imposant une transparence totale aux banques publiques. La Cour répond par la négative, jugeant que les textes européens invoqués ne sont pas applicables aux demandes d’accès aux documents de cette nature. L’étude de l’inapplicabilité du droit européen précédera celle de la préservation de la compétence nationale en matière de transparence et d’accès aux informations.

I. L’inapplicabilité matérielle et personnelle du droit de l’Union

A. L’exclusion du champ d’application de la directive sur la réutilisation

L’arrêt précise que l’organisme bancaire en cause ne peut être qualifié d’organisme de droit public au sens de la directive européenne sur la réutilisation. Pour relever de ce champ, une entité doit être créée spécifiquement pour satisfaire des besoins d’intérêt général n’ayant pas de caractère industriel. Or, l’établissement concerné opère sur un marché concurrentiel et fournit des services bancaires ordinaires à une clientèle tant privée que publique et nationale. La Cour affirme qu’“il ne suffit donc pas qu’une entreprise ait été créée par l’État pour être elle-même considérée comme un organisme de droit public”. En outre, la directive précitée porte exclusivement sur la réutilisation des informations et non sur les conditions d’accès initial aux documents détenus par l’État. Les juges soulignent que “la directive ne consacre pas un droit d’accès aux informations, mais présuppose l’existence d’un tel droit dans la réglementation nationale”. Cette distinction fondamentale entre accès et réutilisation écarte l’application des règles de l’Union au profit des seules dispositions législatives internes de la nation. Cette analyse rigoureuse de la nature de la demande se retrouve également dans l’examen des règles spécifiques applicables au secteur des banques européennes.

B. L’absence d’incidence du règlement relatif aux exigences prudentielles

Le recours au règlement relatif aux exigences prudentielles ne permet pas davantage de limiter la transparence imposée par la loi nationale de l’État. Les obligations de publication prévues par ce texte visent uniquement à renforcer la discipline de marché et la stabilité globale du système financier européen. Ces règles imposent aux établissements de publier de leur propre initiative des informations sur leur profil de risque sans attendre de demande de tiers. La décision relève que “le régime de publication établi par le règlement poursuit un objectif différent de celui du régime du droit d’accès aux informations”. La législation nationale cherche à garantir une gestion responsable des fonds publics à travers une transparence accrue des contrats conclus par les entités influencées. Dès lors, l’article autorisant la non-divulgation d’informations sensibles ne saurait être invoqué pour s’opposer à une demande légitime fondée sur l’intérêt public. L’écartement de ces normes européennes laisse ainsi le champ libre à l’application rigoureuse des législations nationales relatives à la communication des documents administratifs.

II. La préservation de l’autonomie nationale en matière de transparence administrative

A. La reconnaissance de la compétence législative souveraine des États

La solution retenue par la Cour de justice consacre la souveraineté des États membres pour définir leur propre politique de transparence et d’accès. En l’absence d’harmonisation européenne sur l’accès aux documents, les autorités nationales peuvent exiger une divulgation intégrale sans exception pour le secret des affaires. Les juges estiment que les modalités d’accès aux informations détenues par des entreprises sous influence publique relèvent exclusivement de la compétence du législateur interne. “L’article quatre cent trente-deux du règlement ne saurait fonder un droit de s’opposer à une telle demande d’accès aux informations d’importance publique”. Cette interprétation protège le droit fondamental des citoyens à contrôler l’usage des deniers publics par des entités bénéficiant de soutiens étatiques très importants. L’intérêt général attaché à la probité de la gestion publique prime ici sur les intérêts commerciaux particuliers de l’établissement de crédit en situation concurrentielle. La primauté de la loi interne est d’autant plus manifeste que les principes fondamentaux du traité ne trouvent pas ici à s’appliquer directement.

B. L’interprétation restrictive des libertés fondamentales et de la Charte

L’application des libertés de circulation du traité et de la Charte des droits fondamentaux est écartée en raison du caractère purement interne du litige. La Cour observe que tous les éléments de l’affaire se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre au moment de la naissance du litige. Le simple fait de détenir une filiale à l’étranger ou d’être racheté ultérieurement par un investisseur européen ne suffit pas à créer un lien. Les juges rappellent que “le litige au principal concerne une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre”. Faute de mise en œuvre du droit de l’Union, la protection de la liberté d’entreprise inscrite dans la Charte ne peut être utilement invoquée. Cette décision limite ainsi l’influence du droit européen sur les régimes nationaux de transparence lorsqu’aucun élément transfrontalier concret n’est démontré par les parties. La solution finale confirme que les textes européens ne s’opposent pas à une réglementation nationale imposant la divulgation intégrale des contrats de conseil.

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Hassan KOHEN
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