Cour de justice de l’Union européenne, le 15 juin 2017, n°C-436/15

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 15 juin 2017, précise le régime de la prescription des irrégularités financières. Cette décision concerne le remboursement de fonds versés au titre du Fonds de cohésion pour un projet de gestion régionale des déchets. Un service public a constaté des dépenses inéligibles résultant de l’absence de justification pour l’acquisition d’actifs par une entreprise bénéficiaire.

L’autorité de gestion nationale a ordonné le remboursement des sommes litigieuses plusieurs années après l’échéance initiale du projet de développement environnemental. La juridiction de première instance a annulé ces décisions en retenant l’expiration du délai de prescription quadriennal prévu par le droit de l’Union. Saisie en appel, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas a interrogé le juge européen sur l’interprétation de la notion de programme pluriannuel.

Il s’agit de déterminer si un projet d’infrastructure financé sur plusieurs exercices constitue un programme pluriannuel justifiant un allongement de la prescription. La Cour affirme qu’un tel projet relève de cette qualification transversale destinée à protéger efficacement les budgets gérés par les instances européennes. L’étude du régime applicable suppose d’examiner la qualification de programme pluriannuel avant d’analyser les modalités de calcul du délai de prescription.

**I. L’assimilation du projet environnemental à un programme pluriannuel**

Le juge européen adopte une vision fonctionnelle du programme pour assurer l’homogénéité du contrôle des irrégularités portant atteinte au budget commun.

**A. Une interprétation extensive de la notion de programme**

La Cour souligne que les termes de programme et de projet peuvent être utilisés de manière interchangeable dans le cadre du règlement applicable. Un projet consistant en la création d’un système régional « dont la mise en œuvre était envisagée sur plusieurs années » est un programme pluriannuel. La notion de « programme pluriannuel » constitue ainsi « une notion transversale, susceptible de se rencontrer dans tous les domaines » de l’Union. Cette approche permet de s’affranchir des différences terminologiques entre les divers instruments financiers sectoriels régissant les fonds structurels ou de cohésion.

**B. La protection renforcée des intérêts financiers de l’Union**

L’objectif de cette qualification est de combattre « dans tous les domaines les atteintes aux intérêts financiers » des institutions par des contrôles homogènes. Le droit européen impose une vigilance particulière dès lors qu’une dépense indue résulte d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique. L’extension du délai de prescription jusqu’à la clôture du programme garantit que les autorités compétentes conservent leur pouvoir de poursuite durant l’exécution. Cette solution assure la primauté de la protection budgétaire sur la stabilité des situations juridiques avant l’apurement définitif des comptes du projet. La fixation du point de départ de la prescription et de son terme ultime doit toutefois concilier l’efficacité des poursuites avec la sécurité juridique.

**II. L’encadrement temporel de la prescription des poursuites**

La détermination des délais applicables aux irrégularités financières repose sur une articulation précise entre la date des faits et la clôture administrative.

**A. La détermination du point de départ du délai quadriennal**

Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l’irrégularité affectant les intérêts financiers européens. Pour les irrégularités continues ou répétées, ce délai court à compter du jour où la dernière opération constitutive de l’infraction prend fin. La Cour rappelle que l’omission à l’origine de la violation doit être caractérisée par le juge national selon les règles de preuve internes. Ce point de départ garantit une réaction de l’administration tout en tenant compte de la complexité des opérations de financement de longue durée.

**B. La clôture définitive comme terme ultime de l’extension de la prescription**

Dans un programme pluriannuel, le délai de prescription « s’étend en tout cas jusqu’à la clôture définitive » des opérations financières du projet. Cette clôture intervient à la date limite fixée pour l’achèvement des travaux et l’exécution des paiements par la décision de financement initiale. Le programme est considéré comme clos, sauf si une nouvelle décision de l’autorité compétente en prolonge explicitement la durée d’éligibilité. Cette règle permet aux opérateurs de savoir quand leurs opérations deviennent définitivement acquises sans risque de poursuites administratives ultérieures trop tardives.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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