Cour de justice de l’Union européenne, le 15 mars 2018, n°C-104/17

La Cour de justice de l’Union européenne, par sa décision du 15 mars 2018, interprète la portée du principe pollueur-payeur relatif aux déchets d’emballages. Une société commerciale importait des marchandises déjà conditionnées à l’étranger pour les livrer à des détaillants nationaux sans modifier les structures matérielles des emballages originaux. Une autorité publique lui a imposé une contribution financière calculée selon le poids des emballages mis sur le marché au cours des années 2013 et 2014. La société a formé un recours administratif puis judiciaire devant le Tribunal de grande instance de Vâlcea qui a rejeté ses demandes le 6 mai 2016. Saisie en appel, la Cour d’appel de Piteşti a décidé de surseoir à statuer le 2 février 2017 pour interroger le juge européen sur cette taxe. La question posée porte sur la possibilité d’assujettir un distributeur au financement de la gestion des déchets alors qu’il n’intervient pas sur l’emballage. Le juge européen affirme que la directive n’interdit pas une telle contribution car le principe de responsabilité s’étend aux importateurs et aux simples distributeurs. L’analyse de cette solution impose d’étudier l’élargissement de la responsabilité environnementale avant d’examiner la validité des instruments économiques nationaux au regard du marché européen.

I. L’extension de la responsabilité environnementale aux acteurs de la distribution commerciale

A. L’appréhension large de la qualité de pollueur par le juge de l’Union

Le juge européen retient d’abord une définition extensive des responsables de la production de déchets d’emballages en s’appuyant sur les dispositions de la directive. La Cour précise en effet que le principe du pollueur-payeur « ne vise pas uniquement ceux qui sont directement responsables de la production des déchets » (point 22). Cette interprétation permet d’inclure quiconque contribue à la mise sur le marché national de produits emballés indépendamment de toute intervention technique sur le conditionnement. L’article 3 de la directive définit d’ailleurs les acteurs économiques de façon vaste pour englober spécifiquement les importateurs, les commerçants ainsi que les distributeurs de produits. Le juge considère que ces intervenants « ont contribué à la mise de déchets, sous la forme d’emballages, sur le marché national » par leur simple activité. Cette responsabilité découle de l’intégration des acteurs de la chaîne de distribution dans le cycle de vie des produits et de leurs emballages résiduels.

B. La poursuite d’un objectif de réduction globale du volume des emballages

Cette approche systémique s’aligne sur l’objectif de protection de l’environnement qui impose de réduire le volume global des emballages circulant au sein du marché. La décision rappelle que la directive fixe « comme première priorité, la prévention de déchets d’emballages » afin d’assurer un niveau élevé de protection de la nature. L’assujettissement des distributeurs vise ainsi à les inciter à choisir des partenaires commerciaux utilisant des modes de conditionnement plus respectueux de l’environnement général. La Cour souligne que la contribution « incite, d’une part, à réduire les emballages mis sur le marché national » selon les termes précis du gouvernement (point 27). Cette pression économique favorise mécaniquement la valorisation ou le recyclage des déchets en dissuadant le recours systématique à des emballages non recyclés ou excessifs. La solution garantit que chaque maillon de la chaîne commerciale participe activement à l’effort collectif de gestion des déchets produits par la consommation.

II. La légitimité des instruments économiques nationaux face aux impératifs du marché intérieur

A. La validité d’une contribution pécuniaire assise sur des objectifs de valorisation

La contribution nationale litigieuse est jugée conforme au droit de l’Union européenne car elle s’inscrit parfaitement dans la finalité poursuivie par la directive environnementale. Le juge observe que cette charge ne s’applique qu’aux acteurs dépassant certains objectifs minimaux de valorisation énergétique ou de valorisation par le recyclage. La mesure nationale « fait peser une charge pécuniaire sur ceux qui mettent des emballages sur le marché national » sans respecter les seuils de traitement (point 29). Ce mécanisme n’est pas une sanction mais un instrument économique incitatif autorisé par l’article 15 de la directive en l’absence de mesure européenne. La Cour valide ainsi le recours à des critères objectifs de poids pour calculer le montant de la redevance due par les opérateurs économiques. Cette méthode assure une corrélation directe entre la quantité de déchets générés par l’activité commerciale et le coût de leur traitement futur par la collectivité.

B. Le respect nécessaire du principe de non-discrimination des impositions intérieures

La Cour examine enfin la compatibilité de cette taxe avec l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne concernant les impositions intérieures. Le juge rappelle qu’une charge constitue une imposition intérieure si elle frappe systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués sans distinction. La contribution litigieuse frappe les déchets d’emballages indépendamment de leur origine nationale ou étrangère ce qui exclut en principe toute discrimination directe entre les produits. L’arrêt précise que « la décision de renvoi ne fournit aucun élément tendant à démontrer que ladite contribution est de nature à frapper plus lourdement » l’importation. La validité de la législation nationale reste donc subordonnée au respect strict de l’égalité de traitement entre les marchandises locales et celles issues d’autres États. Le juge de l’Union européenne laisse ainsi à la juridiction nationale le soin de vérifier l’absence d’effet protecteur indirect pour la production domestique.

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Hassan KOHEN
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