La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 15 mars 2018, apporte des précisions majeures sur le régime financier du contentieux environnemental.
Le litige oppose un groupement de citoyens à une autorité publique concernant un projet d’aménagement d’infrastructures énergétiques d’envergure sur le territoire d’un État membre. Les requérants contestent la légalité de l’autorisation d’aménagement en invoquant des motifs liés à la participation du public et à d’autres règles du droit interne. La High Court de Dublin, saisie de l’affaire, s’interroge sur l’étendue de l’obligation garantissant que les procédures juridictionnelles ne présentent pas un coût prohibitif. Elle décide de surseoir à statuer afin de demander si cette protection financière s’applique aux phases d’autorisation du recours et aux moyens de droit national. La question posée au juge européen porte ainsi sur le champ d’application temporel et matériel de l’exigence de gratuité relative posée par le droit de l’Union. La Cour répond que la protection couvre toutes les étapes procédurales et s’étend, par l’interprétation conforme, aux moyens fondés sur le droit national de l’environnement.
La Cour analyse l’application de l’exigence financière aux différentes phases de la procédure avant de distinguer les régimes de protection selon la nature des moyens soulevés.
I. L’application extensive de la protection contre les coûts prohibitifs aux phases procédurales
A. L’inclusion des procédures d’autorisation de recours
La Cour affirme que l’exigence du coût raisonnable s’applique dès la phase où le juge détermine si un recours peut être autorisé par l’instance juridictionnelle. Cette protection est nécessaire quand l’État membre n’a pas déterminé précisément à quel stade de la procédure un tel recours peut être introduit par les parties. L’arrêt souligne que « l’exigence que certaines procédures juridictionnelles ne soient pas d’un coût prohibitif s’applique à une procédure devant une juridiction d’un État membre ». Le juge européen garantit ainsi que les obstacles financiers ne surviennent pas dès l’introduction de l’instance, ce qui paralyserait l’exercice effectif des droits environnementaux.
B. Le caractère impératif de la protection face à la nature du recours
La décision rejette toute dérogation fondée sur le caractère éventuellement téméraire ou vexatoire de l’action engagée par la partie requérante devant la juridiction nationale. Les États ne peuvent écarter la protection financière au motif qu’aucun dommage environnemental direct ne résulterait de la violation alléguée du droit national de l’environnement. La Cour de justice de l’Union européenne précise qu’un État ne saurait déroger à cette exigence « lorsqu’un recours est jugé téméraire ou vexatoire ». Cette position renforce la sécurité juridique des plaideurs en interdisant aux juges nationaux d’utiliser des critères subjectifs pour moduler le coût de l’accès à la justice.
II. La dualité des sources juridiques régissant le coût des contentieux environnementaux
A. La limitation matérielle du champ d’application de la directive 2011/92
Lorsque le requérant invoque plusieurs moyens, la protection financière issue de la directive se limite aux seuls dépens afférents à la participation du public au processus. La Cour précise que cette règle s’applique « aux seuls dépens afférents à la partie du recours s’appuyant sur la méconnaissance des règles de participation ». Cette lecture rigoureuse impose une ventilation des frais de justice entre les arguments relevant du droit de l’Union et ceux fondés sur d’autres normes. Le bénéfice automatique du coût non prohibitif ne saurait donc couvrir l’intégralité d’un recours mixte comportant des moyens étrangers à la directive environnementale.
B. Le relais de la protection par l’interprétation conforme de la convention d’Aarhus
Les stipulations de la convention d’Aarhus permettent d’étendre l’exigence du coût non prohibitif aux moyens fondés exclusivement sur le droit national relatif à l’environnement. Bien que ces dispositions internationales soient dépourvues d’effet direct, le juge interne doit interpréter le droit procédural national pour assurer une protection juridictionnelle réellement effective. Il appartient ainsi aux tribunaux de donner une lecture des règles internes qui soit, dans toute la mesure du possible, conforme aux exigences de la convention. Cette obligation d’interprétation conforme assure une cohérence globale du coût du litige, même pour les griefs ne relevant pas strictement du droit dérivé.