Cour de justice de l’Union européenne, le 16 novembre 2016, n°C-2/15

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 16 novembre 2016, a précisé l’étendue des obligations de financement des autorités réglementaires nationales du secteur postal. Cette décision s’inscrit dans le cadre de la directive 97/67, relative au développement du marché intérieur des services postaux et à l’amélioration de la qualité. Un prestataire exerçant une activité de messagerie et de courrier exprès a fait l’objet d’une décision lui imposant de contribuer financièrement au fonctionnement de l’autorité. Le litige opposait cette entreprise à l’entité de contrôle au sujet de la légalité de ce versement pour des services ne relevant pas du service universel. La juridiction administrative nationale de Vienne, saisie du litige, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur l’interprétation de l’article 9 de la directive. Le prestataire soutenait que seules les entreprises fournissant des prestations relevant du service universel pouvaient être soumises à une telle obligation de contribution financière. La question posée visait à déterminer si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale imposant cette charge à l’ensemble des prestataires du secteur. La Cour a jugé que la directive « ne s’oppose pas à une législation nationale » faisant peser cette obligation sur tous les opérateurs, y compris hors service universel. La solution repose d’abord sur une lecture large du régime des autorisations avant de s’appuyer sur la nature transversale des missions de l’autorité de régulation.

I. L’interprétation extensive de l’article 9 de la directive

A. Une lecture unifiée du régime des autorisations

Pour interpréter la disposition litigieuse, le juge de l’Union prend en compte les termes, le contexte ainsi que les objectifs poursuivis par la réglementation européenne. Le texte distingue les autorisations générales pour les services hors service universel et les procédures d’autorisation pour les services qui relèvent de ce cadre. L’article 9, paragraphe 2, énumère les obligations sans préciser explicitement à quelle catégorie d’autorisations ce second alinéa se réfère dans le cadre du secteur postal. La Cour relève que le terme « autorisations » employé ne renvoie pas de manière exclusive à l’un ou l’autre des régimes de prestations postales ainsi définis. Cette imprécision textuelle conduit à une analyse de la structure d’ensemble de la disposition afin de déterminer si l’obligation peut s’appliquer à tous les prestataires.

B. L’assujettissement global des prestataires de services postaux

L’analyse structurale démontre que les obligations prévues peuvent être imposées, selon leur nature, à l’ensemble des acteurs du secteur postal ou seulement à certains d’entre eux. Certaines exigences relatives à la qualité ou aux conditions de travail s’appliquent indifféremment à tous les prestataires titulaires d’une autorisation pour exercer leur activité postale. Le législateur a entendu supprimer « tous les autres obstacles à la prestation des services postaux » pour favoriser l’ouverture complète du marché intérieur au sein de l’Union. Ainsi, le terme « autorisations » désigne tant les autorisations générales pour les services spécifiques que les procédures plus contraignantes relatives aux missions de service universel. Cette lecture globale permet de valider la possibilité pour un État membre d’imposer une charge financière aux entreprises n’assurant pas de mission de service public.

II. La légitimité fonctionnelle du financement de la régulation

A. Le bénéfice sectoriel des activités de l’autorité nationale

La Cour souligne que les missions incombant aux autorités nationales réglementaires concernent l’intégralité du secteur postal et non les seules prestations du service universel obligatoire. Ces entités assurent le respect des obligations découlant de la directive, notamment par l’établissement de procédures de suivi et de mécanismes réglementaires pour tous les acteurs. Elles peuvent également se voir confier la tâche d’assurer le respect des règles de concurrence pour l’ensemble du secteur, au bénéfice de chaque entreprise opérante. Le rôle et les missions des régulateurs ont été conçus pour « bénéficier à tous les acteurs » intervenant sur le marché des services postaux européens en pleine mutation. Il apparaît donc cohérent que tous les prestataires soient soumis, en contrepartie de cette régulation bénéfique, à l’obligation de contribuer au financement des activités concernées.

B. Une contribution justifiée par l’équilibre du marché intérieur

L’obligation de participer financièrement aux coûts de fonctionnement de l’autorité constitue la juste contrepartie de la surveillance exercée sur un marché ouvert à la concurrence. La solution rendue confirme que le droit de l’Union permet une répartition large de la charge administrative nécessaire à la bonne organisation du secteur postal national. Cette interprétation garantit que les autorités disposent de « toutes les ressources nécessaires » pour s’acquitter de leurs missions fondamentales de contrôle et d’impartialité décisionnelle. La Cour de justice assure ainsi une application uniforme de la directive, évitant que certains opérateurs ne profitent d’un marché régulé sans en supporter les coûts. La décision finale fixe définitivement le sens du droit européen applicable tout en laissant à la juridiction nationale le soin de statuer sur les frais.

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Hassan KOHEN
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