Cour de justice de l’Union européenne, le 17 mars 2016, n°C-161/15

Par un arrêt du 17 mars 2016, la Cour de justice précise l’articulation entre l’autonomie procédurale nationale et les droits de la défense. En l’espèce, un ressortissant étranger a fait l’objet d’une mesure mettant fin à son séjour sur le territoire d’un État membre le 26 septembre 2013. Cette décision administrative se fondait sur l’usage d’informations trompeuses concernant l’activité professionnelle réelle de l’intéressé au sein d’une société privée.

Le Conseil du contentieux des étrangers a rejeté le recours en annulation par un arrêt rendu le 30 avril 2014 malgré les arguments du requérant. Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État a relevé que le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu était présenté tardivement. L’administration a soulevé l’irrecevabilité de ce grief qui n’avait pas été invoqué lors des étapes précédentes de la procédure juridictionnelle.

La question posée à la Cour de justice porte sur l’obligation pour le juge de cassation d’admettre ce moyen nouveau selon le principe d’équivalence. La juridiction européenne dispose que le droit de l’Union impose cette recevabilité si le droit interne traite le principe national comme d’ordre public. Le commentaire examinera d’abord l’application du principe d’équivalence à l’autonomie procédurale, puis l’intégration du droit d’être entendu dans le contrôle de légalité.

**I. L’affirmation du principe d’équivalence au sein de l’autonomie procédurale**

**A. Le rappel du cadre de l’autonomie procédurale des États membres**

La Cour rappelle qu’en l’absence de réglementation communautaire, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les modalités procédurales. Cette autonomie permet aux autorités nationales de définir les règles relatives à la recevabilité des moyens invoqués devant les juridictions suprêmes. Toutefois, ces dispositions ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises exclusivement au droit interne de l’État. La mise en œuvre des droits conférés par l’Union européenne doit rester possible et ne pas être entravée par des exigences procédurales excessives.

**B. L’exigence d’un traitement identique des moyens d’ordre public**

Le principe d’équivalence impose un traitement égal des recours fondés sur la violation du droit national et de ceux fondés sur le droit européen. Ainsi, une juridiction statuant en cassation doit accueillir un moyen nouveau s’il présente une importance équivalente aux normes d’ordre public du droit interne. Le juge national ne peut ignorer un grief tiré du droit de l’Union lorsque sa propre législation lui impose de soulever d’office certains principes. Cette exigence assure que la primauté du droit européen ne soit pas contournée par des règles de forme limitant l’accès au juge de cassation.

**II. La réception conditionnée du droit d’être entendu par le juge de cassation**

**A. La consécration du droit d’être entendu comme principe fondamental**

La Cour souligne que « le respect des droits de la défense dans toute procédure constitue un principe fondamental » de l’ordre juridique européen. Ce droit fondamental exige que toute personne puisse faire connaître utilement son point de vue avant l’adoption d’une décision lui faisant grief. Une mesure mettant fin à une autorisation de séjour affecte de manière sensible les intérêts du citoyen et nécessite donc une procédure contradictoire. Le respect de cette garantie procédurale doit être assuré même en l’absence de toute réglementation spécifique concernant l’organisation de la procédure administrative.

**B. Le renvoi au juge national pour la qualification d’ordre public**

La décision finale appartient à la juridiction nationale qui doit déterminer si le droit d’être entendu revêt un caractère d’ordre public interne. Il incombe au Conseil d’État de vérifier si cette règle bénéficie d’une protection juridictionnelle particulière permettant son évocation pour la première fois. Cette solution préserve l’équilibre entre la protection des droits fondamentaux des individus et le respect de la structure des ordres juridiques nationaux. L’arrêt confirme ainsi que l’efficacité du droit européen dépend étroitement de la reconnaissance de ses principes au sein des catégories juridiques nationales.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture