Cour de justice de l’Union européenne, le 18 juillet 2013, n°C-228/12

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 18 juillet 2013, un arrêt fondamental concernant le régime des taxes administratives imposées aux opérateurs. Cette décision résulte d’une demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio au sujet de l’interprétation de la directive autorisation.

Plusieurs entreprises fournissant des réseaux de communications électroniques ont contesté l’obligation de verser une contribution financière annuelle destinée au fonctionnement de l’autorité réglementaire nationale. Ces opérateurs ont sollicité l’annulation des décisions de mise en demeure de paiement en invoquant une incompatibilité flagrante entre la loi nationale et le droit européen. La réglementation en cause permettait de couvrir l’intégralité des frais de fonctionnement de l’autorité de régulation non financés par le budget de l’État membre concerné. Le montant de cette contribution était fixé selon un pourcentage des recettes réalisées par les entreprises du secteur dans la limite d’un plafond légal spécifique.

Le juge de renvoi a donc interrogé la Cour sur la validité d’un tel mécanisme de financement global reposant sur la capacité économique des redevables. Les magistrats européens doivent déterminer si l’article 12 de la directive 2002/20/CE permet d’imposer une taxe couvrant tous les coûts opérationnels de l’autorité de contrôle.

La Cour de justice affirme que la taxe est conforme au droit de l’Union si elle finance exclusivement les activités énumérées par la directive européenne. Elle précise également que les recettes obtenues ne doivent pas excéder les coûts réels et que la répartition doit demeurer objective, transparente et proportionnée.

I. L’exclusivité du financement des frais liés au régime d’autorisation

A. Une limitation stricte aux coûts de gestion du système d’autorisation

L’article 12 de la directive autorisation encadre rigoureusement la nature des charges pécuniaires que les États membres peuvent légalement imposer aux entreprises du secteur. Ces taxes « couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation générale » des réseaux. La Cour rappelle que les prélèvements ne peuvent pas financer des dépenses relatives à d’autres tâches étrangères aux missions de régulation du marché. Cette interprétation stricte garantit que les entreprises ne supportent pas des charges fiscales excessives qui pourraient entraver la libre prestation des services de communications. Le droit de l’Union s’oppose ainsi à ce que les taxes administratives couvrent les coûts administratifs de toute nature supportés par l’autorité réglementaire nationale.

B. L’obligation de transparence et d’équilibre entre recettes et dépenses

Le texte européen impose une corrélation directe entre le montant des prélèvements et les frais administratifs réels résultant des activités de régulation du marché. La Cour souligne que « l’ensemble des recettes obtenues par les États membres au titre de la taxe en cause ne saurait excéder l’ensemble des coûts ». Cette règle d’équilibre financier implique une vérification annuelle par la publication d’un bilan afin que les entreprises puissent contrôler l’équivalence entre coûts et taxes. Les ajustements nécessaires doivent être effectués si une différence apparaît entre la somme totale des taxes perçues et les coûts administratifs effectivement supportés. La transparence des comptes de l’autorité de régulation constitue donc une garantie essentielle pour le respect des objectifs de la directive autorisation.

II. L’encadrement rigoureux de la répartition proportionnée de la contribution

A. La validité du critère fondé sur la capacité économique des opérateurs

La Cour admet qu’un État membre puisse calculer le montant de la taxe administrative en fonction des recettes réalisées par les entreprises fournissant un réseau. L’utilisation du chiffre d’affaires comme assiette de la contribution n’est pas en soi contraire aux exigences de la directive autorisation selon le juge européen. Cette modalité de calcul peut répondre à l’obligation de répartition des charges « d’une manière objective, transparente et proportionnée » exigée par le législateur de l’Union. Cependant, le recours à un tel critère économique ne doit pas conduire à une charge disproportionnée pour certains acteurs au regard des frais réellement induits. La validité de ce mode de financement reste subordonnée au respect des finalités exclusives prévues par l’article 12 pour les dépenses de régulation.

B. La persistance d’un contrôle approfondi par la juridiction nationale

Il appartient au juge national de vérifier si la taxe litigieuse respecte concrètement les limites posées par le droit de l’Union européenne dans chaque espèce. La juridiction de renvoi doit s’assurer que les fonds collectés ne financent pas des activités administratives étrangères aux domaines de compétence définis par la directive. Le respect des principes de proportionnalité et d’objectivité dans la répartition de la charge fiscale entre les différents opérateurs doit également faire l’objet d’un examen. Cette décision renforce le pouvoir de contrôle des juges internes sur les modalités de financement des autorités de régulation au regard des objectifs de libéralisation. La Cour de justice confirme ainsi que la liberté des États membres dans l’organisation de leur système de financement reste strictement encadrée par le droit européen.

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Hassan KOHEN
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