Cour de justice de l’Union européenne, le 18 juillet 2013, n°C-234/12

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 18 juillet 2013, un arrêt majeur concernant l’encadrement de la publicité télévisuelle au sein du marché intérieur. Un fournisseur de services audiovisuels contestait une sanction financière imposée par l’autorité de régulation nationale pour avoir dépassé les plafonds horaires de diffusion publicitaire autorisés. La législation de l’État membre prévoyait des limites temporelles plus restrictives pour les organismes de télévision payante que pour les diffuseurs de programmes en clair. Le Tribunal administratif régional du Latium, saisi du litige le 7 mars 2012, a alors décidé d’interroger la juridiction européenne par voie de question préjudicielle. Le juge national cherchait à savoir si une telle disparité de traitement entre opérateurs était compatible avec la directive relative aux services de médias audiovisuels. La Cour devait ainsi apprécier la validité de cette différenciation au regard du principe d’égalité et de la libre prestation des services garantis par les traités. Elle décide que l’article 4 de la directive ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale instaurant des limites publicitaires distinctes selon le mode de diffusion.

I. La reconnaissance d’une disparité de situation objective entre les organismes de diffusion

A. Une distinction fondée sur les modèles de financement des opérateurs

La Cour souligne que « la protection équilibrée desdits intérêts diffère selon que les organismes de radiodiffusion télévisuelle transmettent leurs programmes moyennant paiement ou non ». Les opérateurs de télévision payante tirent l’essentiel de leurs revenus des abonnements souscrits tandis que les diffuseurs en clair dépendent principalement des recettes publicitaires. Cette divergence fondamentale dans les sources de financement place ces deux types d’entreprises dans des situations économiques qui ne sont pas directement comparables. Le législateur national peut donc légitimement traiter différemment ces organismes sans méconnaître pour autant le principe général d’égalité de traitement en vigueur dans l’Union.

B. Une relation commerciale spécifique justifiant une protection accrue du téléspectateur abonné

La situation des usagers diffère sensiblement car « lesdits abonnés entretiennent une relation commerciale directe avec leur organisme de radiodiffusion et versent un prix pour la jouissance des programmes ». Le consommateur payant s’attend raisonnablement à une interruption publicitaire moindre par rapport à l’offre gratuite financée par les annonces commerciales. Cette attente légitime autorise l’État membre à imposer des contraintes plus fortes aux chaînes à péage pour garantir une qualité de service conforme au contrat d’abonnement. La protection des intérêts financiers et qualitatifs des téléspectateurs justifie ici une modulation des règles de diffusion en fonction de la nature du service fourni.

II. Le maintien d’un équilibre entre souveraineté nationale et libertés économiques

A. L’exercice par l’État de la faculté d’édicter des normes minimales de protection

L’article 23 de la directive fixe un plafond horaire de 20 % mais les États membres conservent la « faculté de fixer des règles plus strictes ». La législation européenne ne procède pas à une harmonisation complète et laisse aux autorités nationales une marge de manœuvre pour renforcer la protection des consommateurs. L’objectif de prémunir les téléspectateurs contre une publicité excessive constitue une raison impérieuse d’intérêt général reconnue par la jurisprudence constante de la Cour. La réglementation nationale peut donc valablement abaisser les seuils publicitaires sous le plafond européen pour répondre aux besoins spécifiques du marché audiovisuel interne.

B. La soumission impérative des restrictions nationales au contrôle de proportionnalité

Toute mesure nationale restreignant la libre prestation des services doit impérativement être propre à garantir l’objectif poursuivi sans toutefois excéder ce qui est nécessaire. La Cour précise qu’il « appartient à la juridiction de renvoi de vérifier » si les limites imposées par la loi nationale respectent scrupuleusement ce principe de proportionnalité. Le juge interne doit analyser si l’écart entre les pourcentages autorisés n’entraîne pas une distorsion de concurrence excessive au détriment des seuls opérateurs payants. Cette réserve finale garantit que l’autonomie réglementaire des États ne devienne pas un instrument de discrimination injustifiée entre les différents acteurs économiques européens.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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