La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 18 juin 2020, un arrêt relatif à la procédure de levée d’immunité d’un fonctionnaire. Un agent d’une institution faisait l’objet d’une enquête pour des soupçons de malversations financières au sein d’un organisme européen chargé des investigations. L’intéressé a formé un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne contre la décision de levée de son immunité de juridiction. Par un arrêt du 24 octobre 2018, le Tribunal a accueilli ce recours en invoquant une violation caractérisée du droit d’être entendu. La Cour devait déterminer si le droit d’être entendu s’impose à l’enquêteur avant la transmission de la demande de levée d’immunité à l’autorité. Le juge annule la décision de première instance en considérant que cette garantie s’exerce uniquement lors de la phase finale de la procédure. L’analyse de cette délimitation temporelle du droit d’être entendu précédera l’étude de l’équilibre ainsi instauré entre enquête et garanties individuelles.
I. La délimitation temporelle du droit d’être entendu
A. L’exclusion de l’audition préalable lors de la saisine de l’autorité
La Cour précise que le respect des droits de la défense constitue un principe général fondamental du droit de l’Union européenne. Toutefois, ce droit ne s’applique pas systématiquement à tous les actes émanant d’un organisme chargé de mener des investigations internes. L’arrêt énonce que « l’organisme n’est pas tenu d’entendre le fonctionnaire concerné avant de soumettre une demande à l’institution ». Cette solution écarte l’interprétation extensive du Tribunal qui exigeait un dialogue contradictoire dès la genèse de la demande de levée.
B. La nature préparatoire de la demande formulée par l’organisme d’enquête
La décision souligne que la demande de levée d’immunité ne constitue qu’un acte préparatoire dépourvu d’effets juridiques obligatoires envers les tiers. Seule la décision finale prise par l’autorité compétente est susceptible de léser les intérêts du fonctionnaire de manière directe. En conséquence, l’absence d’audition à ce stade n’entache pas de nullité la procédure ultérieure menée par l’institution de tutelle. La Cour rétablit une distinction classique entre les actes de pure instruction et les actes décisoires faisant grief aux agents. Cette approche temporelle de la protection juridique s’explique par la nécessité de préserver l’efficacité des investigations menées au sein de l’Union.
II. L’équilibre entre efficacité de l’enquête et garanties procédurales
A. La protection de l’effet utile des investigations pénales
L’obligation d’informer l’intéressé trop tôt pourrait compromettre le secret des enquêtes et la collecte des preuves nécessaires au procès pénal. La Cour considère que l’efficacité de la lutte contre la fraude justifie une restriction temporaire du caractère contradictoire de la procédure. Le juge européen évite ainsi de paralyser l’action de l’organisme d’enquête par un formalisme excessif durant les phases préliminaires. Cette approche fonctionnelle privilégie la célérité des investigations sur une application absolue et prématurée des garanties individuelles de l’agent.
B. Le report de la garantie contradictoire au stade de la décision finale
Le droit d’être entendu trouve son plein effet lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination examine le bien-fondé de la demande. L’institution doit alors permettre à son agent de présenter ses observations avant d’adopter l’acte portant levée de son immunité. La protection juridique du fonctionnaire est donc assurée de manière suffisante avant que sa situation personnelle ne soit définitivement affectée. Le renvoi de l’affaire devant le Tribunal permettra de statuer sur les autres moyens de droit initialement soulevés par le requérant.