La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 19 décembre 2019, précise le régime d’accès aux documents d’une institution monétaire centrale. Une société holding de droit portugais a sollicité la communication de documents relatifs à la situation financière d’un établissement de crédit faisant l’objet d’une résolution. La banque centrale a refusé de divulguer le montant précis d’un crédit figurant dans les procès-verbaux des délibérations de son organe de direction suprême. Le Tribunal de l’Union européenne a d’abord annulé cette décision de refus au motif d’un manque de motivation concernant l’atteinte à l’intérêt public financier. L’institution a alors formé un pourvoi en soutenant que le secret des délibérations bénéficie d’une protection absolue fondée sur les traités européens en vigueur. Le litige pose la question de savoir si la confidentialité des séances du conseil des gouverneurs dispense l’institution de démontrer un risque d’atteinte aux intérêts. La Cour de justice décide que le refus d’accès peut se fonder exclusivement sur le caractère confidentiel des délibérations actées dans les documents administratifs sollicités. L’analyse de cette décision permet d’étudier la primauté du secret des délibérations du conseil des gouverneurs puis d’apprécier les limites du contrôle juridictionnel exercé.
I. La primauté du secret des délibérations du conseil des gouverneurs
A. Une protection autonome des séances de l’organe de décision La confidentialité des réunions du conseil des gouverneurs constitue une règle spécifique qui déroge au régime général de la transparence administrative des institutions européennes communes. Cette disposition protège l’indépendance de la banque centrale en garantissant la liberté d’expression totale des membres de son instance de décision souveraine en toute circonstance. L’arrêt énonce que les procès-verbaux reflètent les positions exprimées par les participants et doivent donc rester confidentiels pour préserver l’efficacité globale de la politique monétaire.
B. L’absence d’obligation de justifier une atteinte concrète à l’intérêt public Contrairement au droit commun, l’institution n’est pas tenue d’expliquer comment la divulgation du montant d’un crédit porterait concrètement atteinte à la stabilité financière des marchés. Il suffit que le document retrace le contenu des délibérations pour que l’exception de confidentialité s’applique de plein droit à l’égard de tous les tiers demandeurs. La décision précise que « le montant du crédit figurant dans les extraits du procès-verbal » relève directement du secret protégé par le droit de l’Union. Cette interprétation stricte du secret professionnel limite mécaniquement la portée du contrôle juridictionnel exercé sur les décisions de refus d’accès aux documents administratifs officiels.
II. Les limites du contrôle juridictionnel sur la transparence administrative
A. La confirmation d’un régime d’exception pour la mission monétaire Cette solution consacre une hiérarchie entre le droit à l’information des citoyens et les nécessités impérieuses de la confidentialité propre à la mission régalienne monétaire. Le juge européen reconnaît que la nature particulière des décisions financières impose un voile de secret sur les discussions préalables ayant conduit à leur adoption finale. Par conséquent, le Tribunal ne peut exiger une motivation détaillée lorsque le document sollicité porte sur le cœur même des délibérations internes de l’institution concernée.
B. La portée de l’annulation partielle de l’arrêt de première instance En annulant le premier jugement, la Cour renforce la discrétion de la banque centrale face aux demandes d’accès portant sur des documents de nature stratégique et confidentielle. Cette jurisprudence fixe une limite claire à la transparence en excluant la communication de données chiffrées issues des débats internes de l’organe de direction de la banque. Enfin, le juge valide le « refusant partiellement l’accès à certains documents » comme une mesure proportionnée à la sauvegarde nécessaire de l’intérêt public financier européen.