Cour de justice de l’Union européenne, le 19 juin 2014, n°C-531/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 18 décembre 2014, précise les conditions d’extension d’une clause compromissoire. Une institution de l’Union a conclu un contrat de subvention avec une société d’économie mixte locale pour la création d’un centre d’entreprises. À la suite d’un contrôle, l’institution a sollicité le remboursement d’un trop-perçu, mais la société, entrée en liquidation, est restée inactive. Une collectivité territoriale, actionnaire de la structure, a alors décidé de reprendre son actif et son passif, incluant le litige en cours. L’institution a saisi le Tribunal de l’Union européenne pour obtenir le remboursement de la dette et le paiement d’intérêts moratoires. Les premiers juges ont déclaré leur compétence et ont condamné solidairement la société et la collectivité à verser les sommes réclamées. Les parties succombantes ont formé un pourvoi devant la Cour de justice, contestant tant la compétence juridictionnelle que le délai de prescription applicable. Le problème juridique concerne la possibilité de lier un tiers à une clause compromissoire et les conséquences financières du retard administratif. La Cour confirme sa compétence mais sanctionne la violation du principe de bonne administration par les services de l’Union européenne. La validité de la compétence juridictionnelle de l’Union par le mécanisme de la stipulation pour autrui précède l’étude du régime de la créance.

I. L’extension conventionnelle de la compétence juridictionnelle de l’Union

A. La validité de la stipulation pour autrui au profit de l’Union

La Cour valide le raisonnement des premiers juges concernant l’extension de la clause compromissoire insérée dans le contrat de subvention initial. Cette clause, prévue à l’article 10 des conditions générales, peut résulter d’une convention entre le débiteur originaire et un tiers. La collectivité territoriale, en reprenant le passif de la société, a accepté le régime juridique spécifique de la dette sans consentement exprès. Un tel mécanisme repose sur les principes généraux du droit des contrats communs aux États membres malgré le principe de l’effet relatif. La volonté de la collectivité de se soumettre aux obligations de la société d’économie mixte suffit à établir la compétence du juge. Cette interprétation assure la continuité de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne en cas de transfert de patrimoine entre entités. Cette reconnaissance contractuelle de la compétence du juge de l’Union se heurte toutefois aux limites posées par les législations nationales des États.

B. L’éviction des obstacles tirés du droit national

Les requérantes soutenaient que le droit interne interdisait aux personnes morales de droit public de soumettre un litige à un tribunal arbitral. Toutefois, la Cour rappelle que « l’article 272 TFUE devait avoir la priorité sur toutes les dispositions nationales contraires » pour fonder sa compétence. La nature procédurale d’une clause d’attribution de juridiction n’empêche pas qu’elle soit l’objet d’une stipulation pour le compte d’un tiers. La reconnaissance d’une telle clause dépend exclusivement du droit de l’Union et des stipulations de l’accord passé pour son propre compte. En privilégiant l’efficacité de la clause compromissoire, le juge évite toute fragilisation de l’accord initial par des spécificités juridiques étatiques. Cette primauté garantit que l’engagement contractuel reste effectif quel que soit le statut du nouveau débiteur dans son droit national d’origine. La certitude de la compétence du juge européen permet d’aborder la question du délai de prescription et de la diligence des services administratifs.

II. La conciliation entre le droit au recouvrement et le principe de bonne administration

A. Le rejet de la prescription décennale commerciale

Le litige portait également sur la prescription de la dette, les requérantes invoquant le délai décennal prévu par le code de commerce. La Cour considère que les obligations résultant de la subvention « ne peuvent pas être regardées comme étant nées (…) à l’occasion de leur commerce ». Le contrat visait le versement d’une aide financière publique pour l’exécution d’une politique régionale sans aucune contrepartie de nature commerciale. En conséquence, le délai de prescription trentenaire du droit commun français s’appliquait à l’action en recouvrement engagée par l’institution européenne. La créance n’était donc pas éteinte lorsque les procédures de récupération ont été relancées après plusieurs années de silence administratif. La nature non commerciale de la relation justifie un délai allongé pour la protection des fonds publics contre la négligence des débiteurs. L’absence de prescription de la créance n’exonère pas pour autant l’administration européenne de son obligation de diligence dans le traitement du dossier.

B. L’indemnisation du préjudice né de l’inaction administrative

La Cour sanctionne néanmoins le comportement de l’institution qui est restée inactive pendant plus de douze ans après sa première mise en demeure. Cette négligence constitue une violation du « principe général de bonne administration » qui impose de mener les procédures de recouvrement avec diligence. L’inaction de l’administration a directement causé l’accumulation excessive d’intérêts moratoires dépassant désormais le montant principal de la dette litigieuse. Le juge reconnaît un lien de causalité direct entre cette faute administrative et le dommage financier subi par la collectivité territoriale. En conséquence, l’Union doit supporter les trois quarts du montant correspondant aux intérêts échus durant cette longue période de silence des services. Cette décision équilibre le droit au remboursement avec l’exigence de célérité attendue d’une administration européenne responsable et efficace envers ses partenaires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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