L’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le dix-neuf octobre deux mille seize se prononce sur le régime des sanctions routières internationales. Une société de transport a vu l’un de ses camions immobilisé par les autorités hongroises suite au contrôle d’un salarié en infraction avec la réglementation sociale. Le conducteur s’était vu infliger une amende administrative pour avoir méconnu les règles relatives à l’utilisation des feuilles d’enregistrement du tachygraphe numérique ou analogique. L’administration a alors bloqué le véhicule appartenant à l’employeur afin de garantir le paiement de la créance pécuniaire due personnellement par le travailleur étranger.
L’entreprise a contesté cette mesure devant le Tribunal administratif et du travail de Szeged par une requête introduite après la confirmation de la décision initiale. L’entreprise soutient que la saisie d’un bien appartenant à un tiers étranger à la procédure administrative est dépourvue de base légale au regard du droit. L’administration réplique que la législation interne autorise l’immobilisation de l’outil de travail dès lors que l’infraction a été constatée lors de son utilisation commerciale. La juridiction nationale a décidé de surseoir à statuer le vingt-huit octobre deux mille quatorze afin d’interroger la Cour sur la validité de ce mécanisme.
Le problème juridique porte sur la possibilité d’immobiliser un bien appartenant à un tiers pour garantir une amende dont celui-ci n’est pas le débiteur légal. Les juges considèrent qu’une telle pratique méconnaît le principe de proportionnalité car elle excède les limites du nécessaire pour atteindre l’objectif de sécurité publique visé. L’analyse de cette décision suppose d’envisager la compétence répressive des États avant de souligner les limites inhérentes à la protection fondamentale du droit de propriété.
I. L’affirmation d’une large compétence étatique dans la mise en œuvre des sanctions routières
A. Le choix souverain des mesures nécessaires à l’application du règlement européen
La Cour rappelle que « le règlement laisse au contraire les États membres libres quant aux mesures à arrêter et aux sanctions nécessaires à son application ». L’article dix-neuf impose aux autorités nationales de choisir des mesures appropriées pour garantir le respect effectif des durées de conduite et de repos. Le législateur peut instaurer un régime de responsabilité objective ou limiter la répression aux seuls conducteurs ayant personnellement commis l’infraction constatée par les agents. Cette marge de manœuvre permet ainsi d’adapter la répression aux spécificités locales tout en assurant l’efficacité globale des règles sociales au sein de l’Union.
B. La validité de principe de l’immobilisation comme mesure de contrainte efficace
L’immobilisation du véhicule figure parmi les outils que les administrations peuvent employer car elle devrait « figurer dans l’échelle commune des mesures » de contrainte. Le texte prévoit que cette mesure peut être maintenue par l’autorité compétente « jusqu’à ce qu’on ait remédié à la cause de l’infraction » constatée. Cette procédure vise à garantir la sécurité routière en empêchant la circulation d’engins dont les conducteurs ne respectent pas les obligations techniques de contrôle. La licéité de ce procédé est donc acquise dès lors qu’il s’inscrit dans un cadre législatif visant à protéger les travailleurs et les autres usagers. La reconnaissance de cette faculté administrative ne saurait toutefois justifier une atteinte disproportionnée aux droits patrimoniaux des tiers dont la responsabilité n’est pas engagée.
II. La sanction de l’usage disproportionné d’une mesure conservatoire contre un tiers
A. L’absence de caractère dissuasif d’une mesure visant une entité non responsable
L’immobilisation d’un poids lourd appartenant à une société dont la responsabilité n’est pas établie ne permet pas d’atteindre les objectifs de dissuasion de la règle. La Cour souligne que « l’immobilisation d’un véhicule appartenant à une entreprise de transport dont la responsabilité n’a pas été engagée va au-delà du nécessaire ». L’auteur de la faute ne subit aucune pression directe sur ses actifs alors que son employeur est privé injustement de l’usage de son matériel professionnel. Une telle déconnexion entre le véritable débiteur de l’amende et le propriétaire du bien saisi vide la sanction de sa substance pédagogique et répressive.
B. L’obligation de privilégier des moyens coercitifs moins attentatoires au patrimoine
Le principe de proportionnalité impose de rechercher si des alternatives moins contraignantes permettent d’assurer le paiement rapide de la dette pécuniaire née de l’infraction. Les juges considèrent que « le retrait, la suspension ou la restriction du permis de conduire » constituerait un moyen tout aussi efficace pour contraindre le travailleur. Cette option permettrait à l’entreprise de poursuivre son activité commerciale avec un autre salarié sans subir les lourdes conséquences financières d’une immobilisation du matériel. La décision rappelle ainsi que la protection fondamentale du droit de propriété interdit le recours à des mesures démesurées par rapport au but légitime recherché.