Cour de justice de l’Union européenne, le 19 octobre 2017, n°C-231/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision le 19 octobre 2017 relative au régime des conflits de marques.

Le litige portait sur la coexistence d’actions en contrefaçon fondées sur des titres nationaux et européens entre les mêmes parties. Une partie a saisi une juridiction nationale pour obtenir l’interdiction de l’usage d’un signe sur un territoire étatique spécifique. Ensuite, une autre action a été engagée devant un tribunal d’un autre État membre concernant la marque de l’Union européenne. Le juge saisi en second lieu s’est interrogé sur l’application des règles de litispendance prévues par le droit de l’Union. La question posée visait à définir les conditions de l’existence de mêmes faits entre deux procédures distinctes et concurrentes. La Cour juge que l’identité de faits suppose une contrefaçon alléguée sur le territoire des mêmes États membres. L’étude portera d’abord sur l’identification de la notion de mêmes faits avant d’envisager la mise en œuvre de la litispendance.

**I. L’identification rigoureuse de la notion de mêmes faits**

**A. L’exigence d’une identité territoriale des litiges**

Le règlement dispose que la litispendance impose le dessaisissement de la juridiction saisie en second lieu pour éviter des décisions contradictoires. Cependant, cette règle nécessite que les actions concernent « une contrefaçon alléguée d’une marque nationale et d’une marque de l’Union européenne identiques ». L’arrêt précise que cette condition de mêmes faits s’applique uniquement dans la mesure où les actions visent le territoire des mêmes États. La protection territoriale limitée de la marque nationale doit ainsi concorder exactement avec la portée géographique de l’action européenne engagée. Cette interprétation restrictive garantit le respect de la compétence des juges nationaux tout en assurant l’unité du droit des marques.

**B. La condition de l’identité des produits et services**

La Cour souligne que l’identité des signes ne suffit pas à caractériser l’existence de mêmes faits entre les deux instances. La juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir seulement si les marques sont « valables pour des produits ou des services identiques ». Le juge doit procéder à une comparaison précise des catalogues de produits protégés par chaque titre de propriété industrielle en cause. Par conséquent, le litige demeure devant le juge national lorsque les domaines d’activité économique ne se recoupent pas totalement. L’application de la litispendance demeure donc strictement subordonnée à une superposition parfaite de l’objet matériel et géographique du différend juridique.

**II. La mise en œuvre procédurale de la litispendance**

**A. L’obligation de dessaisissement partiel du second juge**

Lorsqu’une action européenne est globale, elle peut englober le territoire déjà visé par une action nationale introduite antérieurement par le demandeur. Dans cette hypothèse, le second juge « doit se dessaisir de la partie du litige relative au territoire de l’État membre » concerné. Le dessaisissement n’est donc pas total mais se limite à la fraction territoriale où le risque de contrariété de décisions existe. Cette solution pragmatique permet de poursuivre l’examen de la contrefaçon pour le reste du territoire de l’Union européenne sans retard. Elle assure une gestion efficace du calendrier judiciaire tout en prévenant les abus de procédure entre les différents États membres.

**B. L’influence du désistement sur la fin de la litispendance**

Le demandeur dispose de la faculté de modifier le périmètre de son action pour mettre fin à une situation de litispendance. La condition relative à l’existence de mêmes faits « n’est plus remplie » après un désistement partiel portant sur le territoire litigieux. Le juge européen valide ainsi une stratégie procédurale visant à séparer nettement les contentieux nationaux et les procédures de l’Union. Toutefois, il convient que ce désistement soit valablement formé selon les règles de procédure civile applicables devant la juridiction saisie. Une fois le conflit territorial écarté, les deux actions peuvent prospérer parallèlement sans méconnaître les principes de sécurité juridique européenne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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