La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 19 septembre 2013 une décision portant sur la qualification juridique de l’indemnité de congé parental. Des travailleurs de nationalité suisse, exerçant leur activité au Luxembourg tout en résidant en Suisse, se sont vu refuser le bénéfice d’une prestation sociale. L’organisme national compétent a fondé son refus sur l’absence de domicile des intéressés sur le territoire luxembourgeois, conformément aux dispositions du code national.
Le conseil arbitral des assurances sociales a réformé ces décisions de refus par des jugements rendus le 17 août 2010 en faveur des demandeurs. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a ensuite confirmé ces solutions par deux arrêts du 16 mars 2011 en reconnaissant la finalité familiale. La Cour de cassation de Luxembourg a finalement sursis à statuer le 26 avril 2012 afin d’interroger la Cour de justice sur le droit applicable.
L’organisme requérant soutient que l’indemnité constitue une rémunération liée au contrat ou une prestation de chômage volontaire exclue du champ d’application du règlement. Les salariés affirment au contraire que cette aide vise à compenser les charges nées de l’éducation des enfants durant la suspension de leur activité. Le problème de droit consiste à déterminer si l’indemnité de congé parental luxembourgeoise constitue une prestation familiale au sens du règlement de sécurité sociale. La Cour juge que cette prestation entre dans cette catégorie car elle est octroyée objectivement pour compenser les charges liées à l’entretien familial.
I. L’assimilation de l’indemnité de congé parental à une prestation de sécurité sociale
A. L’exclusion de la qualification de rémunération professionnelle
La Cour écarte d’abord la qualification de rémunération au sens du droit de l’Union pour cette indemnité versée lors de l’interruption de l’activité. Cette prestation ne constitue pas un avantage payé par l’employeur puisque le contrat de travail se trouve suspendu durant la période du congé parental. L’indemnité n’est pas versée par l’entreprise mais par un organisme public sur la base d’un financement provenant d’une contribution sociale spécifique. Le versement par une institution publique plutôt que par l’employeur direct rompt le lien nécessaire avec la contrepartie d’un travail salarié effectif. Cette autonomie vis-à-vis de la relation de travail permet d’analyser la mesure sous le prisme des règles de coordination de la protection sociale.
B. Le caractère légal et objectif de la prestation sociale
L’allocation est octroyée selon une situation définie par la loi, sans que l’administration puisse exercer une appréciation individuelle des besoins personnels du demandeur. Les juges précisent que la prestation répond aux critères de sécurité sociale car elle est octroyée « en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels ». L’existence de règles interdisant le cumul avec d’autres aides à l’éducation confirme l’appartenance de l’indemnité à la catégorie des prestations familiales. La qualification interne de l’indemnité reste sans incidence sur son inclusion dans le champ d’application matériel des règlements de coordination de la sécurité sociale. L’indemnité s’inscrit ainsi dans un cadre de protection collective qui justifie sa qualification de prestation de sécurité sociale au sens du droit européen.
II. La consécration d’une finalité familiale protectrice des travailleurs migrants
A. L’identification d’une compensation publique des charges du foyer
L’indemnité vise essentiellement à compenser les charges de famille en permettant à un parent de se consacrer pleinement à l’éducation de ses jeunes enfants. La Cour retient que le terme « prestations familiales » désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille. L’objectif de l’allocation consiste à alléger les dépenses liées à l’entretien de l’enfant tout en atténuant les pertes financières consécutives à l’arrêt du travail. Cette participation de la collectivité aux charges domestiques caractérise la finalité sociale de l’aide publique versée au titre du congé parental au Luxembourg. La nature de la prestation découle donc de sa fonction redistributive au profit des familles assumant la garde de leurs descendants mineurs.
B. La portée de la solution pour la libre circulation des travailleurs
Cette décision garantit aux travailleurs frontaliers l’égalité de traitement en matière de prestations sociales malgré leur résidence hors de l’État d’emploi effectif. L’arrêt confirme une jurisprudence établie en assimilant ces aides à des prestations familiales, facilitant ainsi la mobilité géographique au sein de l’espace européen. La solution impose à l’État d’emploi de verser l’indemnité aux ressortissants d’un autre État partie aux accords de libre circulation sans condition de domicile. Les règlements européens de sécurité sociale permettent d’exporter ces droits pour protéger les membres de la famille résidant sur le territoire d’un autre État. Cette interprétation renforce la protection des salariés migrants en neutralisant les obstacles juridiques liés aux exigences nationales de résidence territoriale continue.