Cour de justice de l’Union européenne, le 19 septembre 2024, n°C-88/23

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 5 octobre 2023 une décision fondamentale sur l’articulation entre le commerce électronique et l’étiquetage des marchandises. Le litige opposait initialement une société de vente en ligne établie en Allemagne à une association professionnelle suédoise au sujet de la commercialisation de cosmétiques. L’association contestait l’absence de langue suédoise sur les emballages de produits capillaires et de générateurs aérosols vendus sur le marché scandinave. Le tribunal de la propriété industrielle et de commerce de Suède a d’abord interdit ces pratiques commerciales par un jugement rendu le 24 septembre 2021. La société prestataire a interjeté appel devant la cour d’appel de Stockholm qui a décidé de surseoir à statuer pour solliciter une interprétation préjudiciable. La question de droit portait sur l’appartenance des exigences d’étiquetage linguistique au domaine coordonné, lequel limite normalement le contrôle de l’État de destination. La Cour juge que la notion de domaine coordonné n’inclut pas les exigences concernant l’étiquetage de produits promus et vendus sur le site internet d’un prestataire.

I. L’exclusion des règles d’étiquetage du champ d’application de la directive

A. La qualification de l’étiquetage comme exigence relative aux biens

La Cour rappelle que le domaine coordonné désigne les exigences applicables aux prestataires ou aux services de la société de l’information eux-mêmes. Elle souligne que « l’étiquetage, à l’instar notamment du conditionnement, de la forme ou de la composition d’un bien, constitue une exigence applicable aux biens en tant que tels ». Cette distinction matérielle écarte les règles relatives à la marchandise physique des dispositions protectrices du pays d’origine prévues par la directive deux mille. L’interprétation littérale du texte exclut explicitement les caractéristiques intrinsèques des produits du champ d’application de la libre circulation des services numériques. Le juge européen confirme ainsi que les caractéristiques physiques des marchandises échappent au principe du contrôle exclusif par l’État membre d’établissement.

B. L’impossibilité d’une assimilation au service de la société de l’information

Le prestataire de services prétendait que l’étiquetage constituait un élément indissociable du service de vente en ligne pour revendiquer l’application de sa loi nationale. La Cour rejette cet argument en précisant que le législateur a « expressément entendu […] exclure du domaine coordonné les exigences applicables aux biens en tant que tels ». Elle limite ainsi la portée de sa jurisprudence antérieure qui intégrait parfois la publicité sur supports physiques au service de vente électronique. Le juge refuse de dénaturer les catégories juridiques afin de préserver la cohérence des régimes distincts applicables aux prestations et aux marchandises. L’exclusion de l’étiquetage du domaine coordonné permet alors d’envisager une application cumulative de plusieurs réglementations nationales et européennes.

II. La conciliation de la libre prestation avec la protection des consommateurs

A. La sauvegarde de l’efficacité des informations destinées aux utilisateurs finaux

La solution retenue par la Cour assure un niveau élevé de protection de la santé publique et des intérêts des destinataires des produits cosmétiques. Elle considère que les informations obligatoires sont « dépourvues d’utilité pratique si elles ne sont pas libellées dans une langue compréhensible pour les personnes concernées ». Chaque État membre peut donc veiller directement au respect sur son territoire des règles encadrant l’étiquetage des générateurs aérosols ou des teintures. Cette approche pragmatique garantit que le consommateur accède aux précautions d’emploi nécessaires sans subir les barrières linguistiques d’un marché intérieur dématérialisé. L’exigence de traduction devient ainsi une condition de sécurité indispensable à la mise à disposition des produits sur un marché étranger déterminé.

B. L’articulation nécessaire avec les réglementations sectorielles de l’Union

L’arrêt confirme que les prestataires de services doivent respecter simultanément la directive sur le commerce électronique et les réglementations sectorielles propres à chaque marchandise. La directive soixante-quinze trois cent vingt-quatre et le règlement mille deux cent vingt-trois deux mille neuf autorisent les États à imposer leur langue nationale. La Cour précise que les instruments de l’Union relatifs à la sécurité des produits « doivent être appliqués, dans leur intégralité, aux services de la société de l’information ». Le principe du contrôle à la source ne saurait donc évincer les normes impératives de l’État de destination concernant la conformité des biens vendus. Cette décision renforce la souveraineté des autorités nationales pour contrôler la sécurité des produits physiques circulant par le biais des plateformes numériques.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture