Cour de justice de l’Union européenne, le 2 mai 2019, n°C-250/18

La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 2 mai 2019, précise les contours du régime juridique applicable aux résidus industriels. L’affaire trouve son origine dans le stockage massif de scories métallurgiques sur un terrain non aménagé situé à proximité immédiate d’une zone résidentielle. Ces substances, issues de la production de silicomanganèse, furent déposées sans aucune mesure de protection pour les sols, l’air ou les eaux souterraines environnantes. L’institution requérante, après plusieurs avertissements restés sans effet, a introduit un recours en manquement contre l’État membre responsable de cette situation de fait. Celui-ci soutenait que les matières en cause constituaient des ressources minérales ou des sous-produits, échappant ainsi aux obligations strictes de la gestion des déchets. Le juge européen doit déterminer si le stockage durable de résidus sans usage immédiat certain permet de déroger à la qualification juridique de déchet. La Cour retient l’existence d’un manquement général en soulignant l’insuffisance des dispositifs de sécurité et le caractère incertain de la valorisation future des substances. L’analyse de cette décision suppose d’envisager la rigueur de la qualification de déchet avant d’étudier la permanence des obligations de gestion environnementale.

I. La rigueur de la qualification juridique de déchet

A. Le caractère cumulatif des critères du sous-produit

L’article 5 de la directive encadre strictement les conditions permettant de soustraire une substance au régime des déchets pour l’intégrer aux processus de production. La Cour rappelle que ces critères présentent un caractère cumulatif, imposant une démonstration rigoureuse de l’utilité certaine et légale de la substance concernée. L’arrêt souligne que « si l’une d’entre elles n’est pas remplie, la substance en question doit être considérée comme un déchet ». En l’espèce, le détenteur n’apportait aucune preuve technique ou contractuelle garantissant une destination précise pour les scories métallurgiques accumulées sur le site. La simple intention d’utiliser ces matériaux pour des travaux publics futurs ne saurait caractériser l’existence d’un sous-produit au sens du droit européen. La juridiction écarte les arguments fondés sur la législation nationale, privilégiant une interprétation autonome et uniforme des concepts juridiques au sein de l’Union.

B. L’exigence d’une utilisation certaine et immédiate

La certitude de l’emploi ultérieur constitue le pivot de la distinction entre une ressource valorisable et une charge environnementale pour la collectivité humaine. La Cour observe que « plus de six années se sont écoulées entre le moment où ces scories ont fait l’objet d’un dépôt et la date fixée ». Ce délai considérable transforme une attente légitime en un abandon manifeste de la substance sur un terrain totalement dépourvu de structures de gestion appropriées. Un stockage prolongé, potentiellement source de nuisances graves, nécessite une application stricte du principe de précaution pour prévenir toute atteinte irréversible aux écosystèmes fragiles. L’utilisation envisagée à plus ou moins long terme ne saurait régulariser une situation de fait manifestement contraire aux objectifs de la législation environnementale. Cette position jurisprudentielle protège les populations en évitant que des décharges illégales ne soient dissimulées sous le prétexte fallacieux d’une valorisation incertaine.

II. La permanence des obligations de gestion environnementale

A. Une obligation de résultat en matière de protection sanitaire

L’article 13 de la directive impose aux autorités publiques de garantir que la gestion des déchets s’effectue sans mettre en péril la santé de l’homme. Cette disposition lie les États membres quant au résultat à atteindre, malgré la marge d’appréciation laissée pour le choix des moyens techniques mis en œuvre. La Cour précise qu’une « dégradation de l’environnement est inhérente à la présence de déchets dans une décharge, quelle que soit la nature de ceux-ci ». L’absence de toxicité immédiate ou de dangerosité avérée ne dispense pas l’État de son obligation de surveiller et d’encadrer strictement le dépôt des matières. Les autorités compétentes sont restées en défaut de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la dispersion des poussières et la contamination durable des nappes phréatiques. La persistance d’un stockage sauvage sans intervention efficace caractérise une violation manifeste des impératifs de protection écologique définis par les traités européens.

B. L’impératif de traitement effectif par le détenteur

La responsabilité de la gestion des déchets repose sur l’obligation pour le détenteur d’assurer lui-même ou par un tiers le traitement conforme des substances. L’État doit adopter des mesures législatives ou administratives contraignantes pour forcer les opérateurs économiques à assumer pleinement leurs responsabilités juridiques et environnementales. La juridiction souligne que l’inexécution d’une décision administrative interne ne saurait justifier le non-respect des obligations et des délais résultant directement du droit de l’Union. En négligeant d’imposer un traitement efficace et rapide des scories, les pouvoirs publics ont failli à leur mission de régulation du secteur industriel concerné. L’arrêt confirme que l’obligation de veiller au traitement des déchets est une règle fondamentale pour assurer la pleine efficacité de la politique environnementale commune. Cette décision rappelle que les administrations nationales doivent agir avec diligence pour faire cesser les situations illicites contraires aux intérêts supérieurs de la santé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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