Par un arrêt rendu le 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne précise l’articulation entre les instruments de reconnaissance mutuelle en matière pénale. Cette décision traite du champ d’application de la décision-cadre 2008/947 relative aux mesures de probation et aux peines de substitution entre les différents États membres.
Le rechtbank van eerste aanleg van Antwerpen a condamné le 2 décembre 2011 un individu à une peine d’emprisonnement et à une mise à disposition judiciaire. Le condamné a sollicité son transfert vers son État d’origine afin de bénéficier d’un traitement médical obligatoire au sein d’un établissement de soins fermé. Le tribunal de l’application des peines du tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles a alors décidé de poser une question préjudicielle à la Cour.
L’interrogation portait sur la possibilité d’imposer aux autorités étrangères la surveillance de cette mesure sous le régime simplifié de la reconnaissance mutuelle des probations. La juridiction luxembourgeoise affirme que le placement forcé en milieu fermé constitue une privation de liberté excluant l’application de la décision-cadre invoquée par le requérant. L’examen de cette problématique impose d’analyser d’abord la délimitation du champ d’application de la décision-cadre avant d’étudier la qualification matérielle de la mesure de soins.
I. La délimitation du champ d’application de la décision-cadre 2008/947
A. L’éviction des mesures impliquant une privation de liberté
La Cour de justice souligne que l’article 1er de la décision-cadre 2008/947 définit strictement les règles de reconnaissance des jugements et des décisions de probation. Ce texte s’applique aux mesures qui ne privent pas les personnes condamnées de leur liberté, comme les obligations de soins ou les injonctions de comportement. La jurisprudence rappelle à cet égard que « la décision-cadre 2008/947 ne s’applique pas à l’exécution des jugements en matière pénale portant condamnation à une peine privative de liberté ». Cette exclusion fondamentale garantit la cohérence du système juridique européen en séparant nettement les simples mesures de surveillance des mesures de détention effective.
B. La complémentarité avec le régime des condamnations à l’emprisonnement
L’arrêt précise que les champs d’application respectifs des décisions-cadres 2008/909 et 2008/947 présentent un caractère exclusif et ne peuvent jamais se chevaucher indûment. La décision-cadre 2008/909 fixe les règles permettant à un État membre de reconnaître un jugement et d’exécuter une condamnation privative de liberté pour un individu. Les juges affirment donc que « les champs d’application de ces deux décisions-cadres s’excluent mutuellement », interdisant tout choix discrétionnaire entre les deux instruments juridiques. L’analyse du champ d’application textuel permet désormais d’aborder la qualification concrète de la mesure de soins imposée au condamné par la juridiction nationale.
II. L’interprétation matérielle de la notion de traitement résidentiel fermé
A. L’identification d’une contrainte physique incompatible avec la probation
Le litige au principal concernait une mesure de libération sous surveillance assortie d’une obligation de subir un traitement médical dans un établissement psychiatrique fermé. La Cour observe qu’une telle condition exigeant que la personne « se soumette à un traitement résidentiel de ses troubles psychiques » entraîne une privation de liberté. L’enfermement au sein d’une structure de soins spécialisée ne peut être assimilé à une simple mesure de probation ou à une peine de substitution classique. Il s’agit d’une contrainte physique majeure plaçant nécessairement l’individu sous le contrôle constant de l’administration, modifiant ainsi la nature juridique de la surveillance exercée.
B. L’absence d’obligation de reconnaissance pour l’État d’exécution
Puisque la mesure constitue une privation de liberté, l’autorité de l’État d’exécution ne saurait être tenue de la reconnaître sur le fondement de la probation. La reconnaissance et l’exécution d’un tel jugement relèvent de la décision-cadre 2008/909, laquelle impose des conditions de transfert différentes de celles prévues pour les injonctions. L’État de destination ne peut donc être contraint d’appliquer une procédure simplifiée pour une mesure dont la sévérité est équivalente à un emprisonnement criminel classique. La solution retenue préserve l’équilibre entre les impératifs de réinsertion sociale du condamné et la souveraineté des États membres en matière de soins psychiatriques contraints.