La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 20 janvier 2021, un arrêt fondamental relatif aux conséquences financières de l’annulation d’une amende de concurrence. Une société s’était vu infliger une sanction pécuniaire par une institution européenne avant que le juge n’annule partiellement cette décision pour vice de procédure. L’institution a remboursé le montant principal de l’amende mais elle a refusé de verser les intérêts produits durant la période de détention des fonds. La juridiction de première instance, le Tribunal de l’Union européenne, a condamné l’administration au paiement de ces intérêts par une décision du 12 février 2019. L’institution a formé un pourvoi contre cette solution afin de contester son obligation de verser spontanément des sommes complémentaires au remboursement du capital. Le litige oppose désormais le droit au rétablissement de la situation initiale du justiciable aux contraintes de gestion budgétaire de l’organe exécutif européen. La question centrale repose sur l’obligation pour une institution de verser des intérêts moratoires lors du remboursement d’une amende indûment perçue à la suite d’une annulation. La Cour rejette le pourvoi et confirme que l’institution est « condamnée à verser […] des intérêts, calculés au taux fixé par la Banque centrale européenne ». L’étude de cette décision portera sur l’obligation de restitution intégrale incombant à l’administration avant d’analyser le régime de calcul des intérêts moratoires désormais imposé.
I. L’affirmation de l’obligation de restitution intégrale des sommes indûment perçues
A. Le fondement juridique de l’obligation de versement d’intérêts moratoires
L’obligation de l’institution découle de l’exigence de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’exécution complète d’un arrêt d’annulation rendu par le juge de l’Union. Le juge considère que le simple remboursement du principal ne suffit pas à compenser la perte de jouissance des fonds subie par la société sanctionnée. Cette solution garantit l’effet utile du recours en annulation en empêchant l’administration de tirer un profit indu d’une décision reconnue illégale par le juge. La Cour souligne que l’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice financier résultant de la perception d’une amende dont la base légale a disparu rétroactivement. L’affirmation de ce principe de restitution intégrale conditionne la mise en œuvre technique des modalités de réparation financière dues par l’institution débitrice.
B. L’exclusion de toute marge de manœuvre pour l’administration débitrice
L’arrêt précise que l’institution ne dispose d’aucune liberté pour apprécier l’opportunité de verser des intérêts moratoires lors d’un remboursement d’amende après une annulation. La responsabilité de l’Union est engagée de manière automatique dès lors qu’une somme a été conservée sans fondement juridique valable durant plusieurs années. Cette position protège le droit de propriété des opérateurs économiques contre les éventuelles lenteurs administratives liées aux procédures de reversement des cautions pécuniaires perçues. Le juge consacre ainsi la primauté du principe de légalité sur les considérations de pure gestion comptable invoquées par l’organe exécutif de l’Union européenne.
II. La consécration d’un régime d’indemnisation forfaitaire et automatique
A. La précision technique des modalités de calcul des intérêts moratoires
Le dispositif de l’arrêt fixe un taux d’intérêt précis basé sur les opérations de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de plusieurs points de pourcentage. La juridiction ordonne le versement des sommes « pour la période allant du 31 mars 2017 jusqu’à la date du complet paiement » de la dette. Cette méthode de calcul forfaitaire évite aux parties de devoir prouver le montant exact du préjudice financier réellement subi par la société durant le litige. Elle offre une sécurité juridique indispensable en uniformisant les conditions de réparation financière dues par l’administration en cas d’annulation de ses actes de sanction.
B. Le renforcement de la protection juridictionnelle des opérateurs économiques
La décision confirme une tendance jurisprudentielle visant à responsabiliser les institutions européennes dans l’exercice quotidien de leur pouvoir de sanction en matière de droit de concurrence. Elle impose une discipline financière rigoureuse à l’administration qui ne peut plus bénéficier de l’usage gratuit des fonds versés au titre d’amendes illégales. Cet arrêt constitue un signal fort envoyé aux acteurs du marché concernant la protection efficace de leurs actifs financiers face aux décisions administratives erronées. La solution retenue limite les contestations futures sur le quantum de l’indemnisation en imposant une règle de calcul mathématique claire et dépourvue de toute ambiguïté.