L’arrêt rendu par la quatrième chambre de la Cour de justice le 20 mai 2021 précise les contours de la demande ultérieure de protection.
Un ressortissant iranien a sollicité l’asile en Norvège en 2008 et a subi un rejet définitif de sa demande par les autorités locales le 15 juin 2009.
L’intéressé a rejoint l’Allemagne pour y déposer une nouvelle requête de protection internationale le 22 décembre 2014 auprès de l’Office compétent en la matière.
L’administration allemande a rejeté cette demande comme irrecevable le 13 mars 2017 en qualifiant la procédure de deuxième demande sans fait nouveau ou élément de preuve.
Le requérant a saisi le tribunal administratif du Schleswig-Holstein pour contester ce rejet et réclamer l’octroi du statut de réfugié ou d’une protection subsidiaire adaptée.
Le tribunal administratif du Schleswig-Holstein a décidé le 30 décembre 2019 de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur la validité de cette règle.
Le juge européen répond que la notion de demande ultérieure suppose qu’une décision finale ait été prise auparavant par une autorité d’un État membre.
I. Une interprétation littérale de la notion de demande ultérieure
A. L’exigence organique d’une décision rendue par un État membre
La Cour souligne que la notion de demande de protection internationale désigne exclusivement une requête présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers.
L’article 2 de la directive 2013/32 dispose qu’une décision finale établit si le statut est accordé en vertu de la réglementation adressée aux seuls États membres.
« Il découle ainsi de la lettre claire de cette disposition qu’une demande adressée à un État tiers ne saurait être comprise comme une demande de protection internationale ».
L’interprétation organique exclut les procédures conduites devant des autorités étrangères même si ces États appliquent certains mécanismes de coopération technique avec les membres de l’Union.
B. L’inopérance des accords d’association au système de Dublin
Le Royaume de Norvège applique le règlement Dublin III en vertu d’un accord spécifique conclu avec la Communauté européenne sans être lié aux autres directives d’asile.
Aucune norme de qualification ou de procédure n’est reprise dans les annexes de l’accord conclu avec cet État tiers en matière de coopération d’asile.
L’État membre saisi doit donc assumer la responsabilité de l’examen s’il ne peut obtenir la reprise en charge du demandeur par l’État tiers responsable.
« Un État tiers ne saurait être assimilé à un État membre aux fins de l’application de l’article 33 paragraphe 2 sous d) » de la directive relative aux procédures.
II. La préservation de l’autonomie du droit de l’Union européenne
A. La spécificité matérielle du statut de protection internationale
La protection internationale au sens du droit de l’Union européenne englobe à la fois le statut de réfugié et celui conféré par la protection subsidiaire plus spécifique.
Le régime juridique européen complète les règles internationales de la convention de Genève pour offrir une protection élargie aux demandeurs se trouvant sur le territoire des États.
Cette décision norvégienne ne peut être considérée comme statuant sur un droit dont le contenu et les conditions d’octroi sont définis par les normes de l’Union.
L’assimilation entre un État tiers et un État membre compromettrait la sécurité juridique en imposant une évaluation incertaine du niveau concret de protection offert à l’étranger.
B. La garantie d’un examen complet par l’État membre saisi
L’objectif de lisibilité impose de s’en tenir aux définitions textuelles sans introduire de critères d’équivalence substantielle ou procédurale entre les différents systèmes nationaux d’asile non intégrés.
L’État membre doit mener une procédure complète dès lors que la décision antérieure de rejet n’émane pas d’une autorité soumise au droit européen dérivé.
Cette décision garantit l’effectivité du droit d’asile tout en évitant que des ressortissants soient indûment privés d’un examen approfondi de leur propre situation personnelle.
Le juge confirme que l’article 33 s’oppose à une règle nationale permettant de rejeter comme irrecevable une demande suite au rejet prononcé par un État tiers.