La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 décembre 2011, un arrêt relatif aux conditions de recevabilité du recours en annulation. Cette décision porte également sur la qualification d’aide d’État d’un régime d’exonération fiscale triennale bénéficiant à des entreprises chargées de services publics locaux.
Un État membre avait instauré des avantages financiers, mais une institution européenne a ordonné la récupération des sommes versées au titre de ce régime. Plusieurs sociétés bénéficiaires ont alors saisi le Tribunal de l’Union européenne pour obtenir l’annulation de la décision déclarant ces aides incompatibles. Le Tribunal de l’Union européenne a rejeté les recours au fond tout en les déclarant recevables par une décision rendue en première instance. Cette solution a provoqué des pourvois croisés devant la Cour de justice de la part des sociétés requérantes et de l’institution européenne.
L’institution contestait la qualité pour agir des entreprises, tandis que les requérantes critiquaient le constat d’une atteinte à la concurrence et aux échanges. La juridiction devait déterminer si l’obligation de récupération suffit à individualiser les bénéficiaires et si une motivation générale permet de qualifier une aide. La Cour rejette les pourvois en confirmant que le risque de restitution crée un intérêt à agir immédiat et une affectation individuelle des requérantes. L’étude portera d’abord sur la reconnaissance de la qualité pour agir des bénéficiaires (I), puis sur la validation de la qualification de la mesure fiscale (II).
I. La reconnaissance de la qualité pour agir des bénéficiaires
A. L’individualisation des requérantes par l’obligation de récupération
La Cour rappelle que les sujets autres que les destinataires d’une décision peuvent être concernés individuellement s’ils sont atteints en raison de qualités particulières. Elle juge que les bénéficiaires effectifs d’aides individuelles dont la récupération a été ordonnée sont individuellement concernés par l’acte de l’institution. La décision souligne que « l’obligation de récupération imposée par une décision… individualise suffisamment tous les bénéficiaires du régime en question » dès son adoption.
Les entreprises font partie d’un cercle restreint, car elles sont exposées au risque certain que les avantages financiers perçus soient effectivement récupérés. Cette solution assure une protection juridictionnelle efficace sans imposer d’attendre la mise en œuvre de mesures nationales d’exécution par l’administration de l’État.
B. La caractérisation d’un intérêt à agir né et actuel
L’institution européenne soutenait que l’intérêt des sociétés était incertain tant qu’un ordre de récupération individuel n’avait pas été émis par les autorités nationales. Le juge rejette cette position en affirmant que l’intérêt à agir existe tant que le recours est susceptible de procurer un bénéfice au requérant. La Cour précise que « l’adoption de la décision litigieuse a modifié la situation juridique » de la société en déclarant les aides perçues incompatibles.
L’entreprise devait s’attendre, dès la notification de la décision, à devoir restituer les fonds, ce qui justifie un intérêt à agir immédiat et concret. Cette approche évite de subordonner la recevabilité du recours à des facteurs extrinsèques dépendant de vérifications ultérieures menées par l’État membre concerné.
II. La validation de la qualification juridique de la mesure fiscale
A. L’existence suffisante d’une distorsion potentielle de la concurrence
La requérante estimait que l’exonération ne pouvait affecter les échanges, car les secteurs concernés étaient alors exploités sous la forme de monopoles locaux. Cependant, le Tribunal a constaté que certains domaines d’activité étaient caractérisés par un degré de concurrence à la date d’entrée en vigueur du régime. La Cour confirme ce raisonnement en soulignant que la société n’a apporté aucune preuve valable pour infirmer les constatations de fait du premier juge.
Elle écarte le grief tiré d’une confusion entre la sélectivité de la mesure et l’existence d’une menace réelle de distorsion de la concurrence. L’attribution directe de concessions n’empêche pas l’existence d’une concurrence potentielle que l’avantage fiscal aurait pu influencer au détriment d’autres opérateurs européens.
B. La régularité d’une motivation de nature globale ou implicite
La société reprochait au juge de n’avoir pas répondu exhaustivement à ses arguments portant sur la spécificité économique des services publics locaux en cause. La Cour rappelle que « l’obligation de motiver les arrêts… n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement » tous les raisonnements. Le juge peut se borner à vérifier la cohérence de la décision de l’institution sans être tenu d’adopter un raisonnement plus détaillé que l’original.
La motivation peut rester implicite dès lors qu’elle permet aux intéressés de connaître les motifs et à la juridiction supérieure d’exercer son contrôle. Le pourvoi est donc rejeté, car le Tribunal a correctement vérifié la réunion des conditions de l’aide d’État sans commettre d’erreur de droit.