Cour de justice de l’Union européenne, le 21 décembre 2011, n°C-482/10

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 21 décembre 2011, définit l’étendue de sa compétence lors de litiges internes. Le différend concernait la motivation d’un acte administratif diminuant le montant d’une retraite et imposant la restitution de sommes perçues par erreur. L’administration avançait que la décision relevait d’une compétence liée, rendant le vice de forme inopérant selon les dispositions législatives nationales en vigueur. Un recours fut porté devant la Corte dei conti, sezione giurisdizionale per la Regione Siciliana, laquelle interrogeait alors le sens du droit européen. La juridiction de renvoi invoquait l’intégration des principes de l’ordre juridique communautaire au sein de la loi nationale pour justifier sa propre démarche. Le problème de droit consiste à savoir si un renvoi législatif général aux principes de l’Union permet d’établir la compétence interprétative du juge. La Cour décide qu’elle n’est pas compétente pour répondre aux questions posées faute d’un renvoi présentant un caractère direct et inconditionnel.

I. La reconnaissance encadrée de la compétence préjudicielle en matière interne

A. La nécessité d’un renvoi législatif direct et inconditionnel

La Cour rappelle qu’elle peut interpréter le droit de l’Union dans des situations internes si les dispositions sont rendues applicables par le droit national. Cette extension de compétence exige que les règles européennes soient invoquées « de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique ». L’objectif poursuivi par la jurisprudence antérieure est d’éviter les divergences d’interprétation pour des notions issues originellement de l’ordre juridique de l’Union. La juridiction luxembourgeoise vérifie donc si le législateur national a entendu conformer totalement ses solutions internes à celles retenues par les traités européens. L’analyse porte ici sur la réalité de l’intégration des principes de motivation au sein des procédures administratives de l’État membre en cause.

B. L’insuffisance juridique d’une référence générale aux principes de l’Union

Le juge constate que la loi nationale renvoie seulement aux « principes tirés de l’ordre juridique communautaire » sans désigner précisément les articles du traité. Il souligne qu’il ne saurait être considéré que ces dispositions ont été rendues applicables « en tant que telles » par le droit national. Le renvoi général ne permet pas d’établir une volonté certaine d’appliquer sans limitation les garanties spécifiques de la Charte des droits fondamentaux. La Cour relève ainsi l’absence de précision suffisante dans la loi interne pour justifier une interprétation uniforme au titre de l’article 267 TFUE. Cette solution marque une volonté de ne pas étendre indéfiniment la compétence préjudicielle aux litiges dépourvus de tout élément de transnatalité.

II. La préservation de l’autonomie nationale face à l’imprécision du renvoi

A. Le maintien de l’application des règles procédurales administratives internes

L’arrêt souligne que l’obligation de motivation reste régie par des règles nationales prévoyant des exceptions en cas de compétence liée de l’autorité publique. La Cour note que le législateur national n’a pas manifesté l’intention d’écarter ces règles nationales « au profit des articles 296, deuxième alinéa, TFUE ». Les garanties européennes visées s’adressent prioritairement aux institutions de l’Union et non aux administrations des États membres agissant hors du champ communautaire. Le juge refuse de s’immiscer dans l’interprétation de mécanismes procéduraux ne reprenant pas intégralement le contenu substantiel des normes de l’Union. Cette retenue garantit le respect de la répartition des compétences entre les ordres juridiques nationaux et l’ordre juridique de l’Union européenne.

B. L’absence d’intérêt communautaire à une uniformisation de l’interprétation

La décision conclut qu’il n’existe pas d’intérêt certain à préserver une uniformité d’interprétation lorsque le renvoi législatif demeure trop imprécis ou facultatif. Le juge affirme qu’il ne peut pas être déduit que le législateur a entendu opérer « un renvoi au contenu desdites dispositions spécifiques ». L’absence d’identité de traitement entre les situations internes et celles régies par le droit de l’Union prive la demande de base légale. La Cour se déclare incompétente pour répondre aux interrogations portant sur la possibilité de compléter une motivation durant une procédure judiciaire. Cette conclusion rappelle que le dialogue des juges suppose un lien de connexité étroit et formellement établi par les dispositions normatives.

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Hassan KOHEN
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