La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 décembre 2011, une décision portant sur la responsabilité solidaire des tiers en matière fiscale.
Un prestataire de services exploitait un entrepôt fiscal où une société tierce stockait des huiles minérales avant de les vendre à des clients finals.
Cette société a été déclarée en faillite après avoir réalisé des livraisons à titre onéreux sans s’acquitter de la taxe sur la valeur ajoutée exigible.
L’administration fiscale a émis un commandement de payer à l’encontre du gestionnaire de l’entrepôt pour obtenir le règlement de la dette fiscale impayée.
Celui-ci a fait opposition devant le Tribunal de première instance de Bruges en invoquant l’incompatibilité de la loi nationale avec le droit de l’Union.
Le requérant soulignait que le caractère inconditionnel de cette responsabilité solidaire méconnaissait les principes de sécurité juridique et de proportionnalité applicables aux opérateurs.
L’autorité nationale soutenait en revanche que cette garantie constituait une mesure nécessaire et appropriée pour assurer le recouvrement efficace des recettes du Trésor.
La juridiction belge a alors demandé si la sixième directive autorise un État à tenir un entrepositaire pour solidairement responsable malgré sa bonne foi.
La Cour répond que le droit européen s’oppose à une responsabilité sans faute qui ne permet pas à l’intéressé de démontrer son absence de négligence.
Cette solution invite à examiner l’encadrement de la responsabilité solidaire avant d’analyser la condamnation des régimes d’imputation inconditionnelle de la dette fiscale d’autrui.
I. L’encadrement de la faculté de désigner un débiteur solidaire
A. La mise en œuvre de la compétence étatique
L’article 21, paragraphe 3, de la sixième directive permet aux États membres de prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la taxe.
Cette disposition offre aux administrations nationales un levier pour garantir le paiement des créances fiscales dues au titre d’opérations réalisées sur leur territoire.
La Cour rappelle ainsi que cette faculté s’inscrit dans l’objectif légitime de préserver les droits du Trésor public face aux risques de défaillance des assujettis.
B. La subordination aux principes généraux du droit
L’exercice de cette compétence étatique demeure strictement encadré par les principes de sécurité juridique et de proportionnalité intégrés à l’ordre juridique de l’Union.
Les mesures nationales doivent ainsi privilégier les moyens qui portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation européenne.
Le respect de ces principes fondamentaux limite le pouvoir discrétionnaire des États membres dans la mise en place de mesures de recouvrement de l’impôt.
II. La condamnation d’un régime de responsabilité sans faute
A. Le rejet d’une imputation inconditionnelle de la dette fiscale
La législation belge prévoyait une responsabilité solidaire inconditionnelle s’appliquant même lorsque aucune faute ou négligence ne pouvait être reprochée au gérant de l’entrepôt.
Les juges considèrent ainsi que « des mesures nationales donnant de facto naissance à un système de responsabilité solidaire sans faute vont au-delà » des nécessités fiscales.
Il est jugé « manifestement disproportionné d’imputer, de manière inconditionnelle » à l’entrepositaire la perte de recettes causée par les agissements d’un tiers sans influence.
B. La protection de l’opérateur économique diligent
La Cour affirme que l’entrepositaire doit pouvoir s’exonérer en rapportant la preuve qu’il est totalement étranger aux agissements frauduleux de son client redevable initial.
Elle précise que « la circonstance que la personne a agi de bonne foi en déployant toute la diligence d’un opérateur avisé » doit être prise en compte.
La reconnaissance de la bonne foi protège ainsi les acteurs économiques contre les conséquences de fraudes auxquelles ils n’ont aucunement participé ou consenti.