Cour de justice de l’Union européenne, le 21 décembre 2016, n°C-539/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 décembre 2016, une décision portant sur le principe de non-discrimination selon l’âge. Un salarié recruté en avril 1988 a sollicité la prise en compte de ses périodes de scolarité suite à la réforme d’une convention collective. Cette modification valorisait la carrière par des périodes antérieures tout en allongeant le délai nécessaire pour obtenir le premier avancement. L’administration a refusé d’améliorer le classement salarial car le nouvel avancement intervenait après cinq ans au lieu de deux ans. Le Tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne a d’abord considéré que cet allongement constituait une discrimination indirecte. Le Tribunal régional supérieur de Vienne a infirmé cette solution en relevant une parfaite égalité de traitement entre tous les agents. Saisie d’un recours, la Cour suprême autrichienne a interrogé la juridiction européenne sur la conformité de cette règle conventionnelle au droit de l’Union. La question préjudicielle visait à déterminer si l’allongement d’un délai d’avancement pour les seuls bénéficiaires de périodes de scolarité était discriminatoire. La Cour de justice a jugé que le droit européen ne s’oppose pas à cette mesure si elle s’applique uniformément à tous les salariés. L’analyse portera sur l’absence de discrimination directe ou indirecte avant d’étudier la neutralité des critères retenus par les partenaires sociaux nationaux.

I. L’absence de caractérisation d’une différence de traitement

A. L’écartement d’une discrimination directement fondée sur l’âge La juridiction européenne rappelle d’emblée que les partenaires sociaux doivent respecter le principe de non-discrimination lorsqu’ils adoptent des mesures professionnelles. Elle observe que la convention collective prévoit un allongement du délai d’avancement pour les employés bénéficiant de périodes scolaires. Ce régime prévoit que l’avancement au sein du premier échelon barémique est désormais « plus long que celui qui s’applique entre les échelons suivants ». La Cour estime toutefois que cette règle « n’induit pas de différence de traitement directement fondée sur l’âge » au détriment des travailleurs concernés. Le critère retenu pour le classement ne repose pas sur l’âge biologique du salarié au moment de son recrutement par l’employeur public. L’accès aux échelons supérieurs demeure uniquement conditionné par l’accomplissement d’années de service effectif au sein de la structure nationale. Cette distinction permet d’isoler la question de la discrimination indirecte qui nécessite l’examen d’un éventuel désavantage pour une catégorie d’âge.

B. Le rejet de l’existence d’un désavantage indirect particulier La discrimination indirecte suppose qu’une pratique neutre entraîne un désavantage pour des personnes d’un âge donné par rapport à d’autres catégories. Le juge national craignait que l’allongement du délai ne défavorise principalement les jeunes travailleurs dont les salaires sont généralement moins élevés. La Cour de justice relève pourtant que le régime litigieux se fonde sur « un critère qui n’est ni indissociablement ni indirectement lié à l’âge ». La prise en compte des périodes de scolarité s’effectue indépendamment de l’âge de l’employé au moment de son entrée en service. L’allongement du délai d’avancement s’impose également aux travailleurs plus âgés disposant déjà d’une expérience professionnelle significative au sein de l’administration. Le constat de cette application généralisée interdit de conclure à l’existence d’un préjudice spécifique subi par une classe d’âge déterminée. La validité de la mesure repose sur la neutralité intrinsèque du mécanisme de reclassement défini par les organisations syndicales et patronales.

II. La justification de la validité du mécanisme de reclassement

A. La neutralité des critères de progression professionnelle Le système de rémunération valorise les périodes de scolarité tout en ajustant la vitesse de progression dans la grille salariale initiale. La Cour souligne que l’allongement du délai au premier échelon s’applique à tout employé demandant la reconnaissance de ses années d’études. Ce mécanisme ne crée pas de scission entre les générations puisque chaque agent subit la même contrainte temporelle pour son premier avancement. La décision précise que le classement dépend de périodes de scolarité « indépendamment de l’âge de l’employé au moment de son recrutement ». L’absence de lien avec l’âge écarte tout soupçon de discrimination systémique au sein de la nouvelle architecture conventionnelle de rémunération. Le juge européen valide la liberté des partenaires sociaux d’organiser les carrières dès lors que les critères de progression restent objectifs. Cette neutralité se trouve renforcée par les modalités concrètes de mise en œuvre de la réforme au bénéfice de l’ensemble du personnel.

B. L’uniformité garantie par l’application rétroactive de la norme Le raisonnement de la Cour s’appuie sur le fait que la règle nouvelle s’applique de la même manière à tous les agents demandeurs. L’allongement du délai est imposé « y compris de façon rétroactive aux travailleurs ayant déjà atteint les échelons supérieurs » de la hiérarchie. Cette portée rétroactive assure que les salariés anciens ne bénéficient pas d’un avantage indu par rapport aux recrues les plus récentes. La Cour conclut que la directive « ne s’oppose pas à une convention collective de travail nationale » prévoyant un tel aménagement de carrière. Le droit de l’Union autorise la modification des conditions d’avancement si elle ne repose pas sur des considérations liées à l’âge des personnes. Les juges confirment ainsi la primauté de la cohérence du système de rémunération sur les revendications individuelles de maintien des anciens délais. L’arrêt sécurise les réformes conventionnelles visant à moderniser la prise en compte de l’expérience antérieure sans créer de distorsions entre les salariés.

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Hassan KOHEN
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