Cour de justice de l’Union européenne, le 21 juin 2012, n°C-223/11

La décision commentée, rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 21 juin 2012, traite d’un recours en manquement. L’institution requérante reproche à l’État membre défendeur de ne pas avoir respecté les délais fixés par la réglementation relative à l’eau. Les faits reposent sur l’obligation de publier des plans de gestion de district hydrographique avant une échéance précise pour garantir la participation publique. Face à l’absence de mesures nationales suffisantes, une procédure précontentieuse a été engagée par l’envoi d’un avis motivé resté sans effet. L’institution requérante saisit alors la juridiction pour faire constater la violation des articles relatifs à la publication et à la transmission des plans. L’État membre défendeur reconnaît partiellement les retards tout en invoquant des processus de consultation en cours sur certains territoires insulaires et continentaux. La Cour doit déterminer si le non-respect des échéances prescrites par la directive constitue un manquement caractérisé malgré les justifications administratives avancées. Le juge de l’Union accueille l’ensemble des griefs en se fondant sur l’objectivité du délai imparti pour la mise en œuvre des obligations. L’examen de cette décision s’articulera autour de la constatation des défaillances administratives puis de l’inflexibilité du cadre temporel des obligations européennes.

I. La constatation matérielle des défaillances administratives

A. Le non-respect des obligations de publication et de consultation

L’article 14 de la directive impose aux autorités nationales de soumettre les projets de plans de gestion aux observations du public. Le texte précise que les États procèdent à cette publication « un an au moins avant le début de la période de référence ». Cette disposition vise à assurer une transparence effective et une participation citoyenne réelle dans la gestion des ressources hydrauliques de chaque district. L’État membre défendeur n’a pas contesté l’absence de publication pour son territoire continental ainsi que pour une région autonome spécifique. Concernant une autre zone insulaire, les éléments fournis n’ont pas permis d’établir l’exécution des obligations de consultation dans les délais requis. La Cour souligne que l’État « n’a pas indiqué si des projets de pgdh avaient été publiés et soumis au public ». Cette carence factuelle entraîne logiquement le constat d’une violation directe des prescriptions environnementales fixées par le législateur de l’Union.

B. L’omission de transmission des documents requis

Le troisième grief porte sur la violation de l’article 15 qui exige la communication des copies des plans à l’autorité de contrôle. Les États membres doivent transmettre ces documents « dans les trois mois qui suivent leur publication » afin de permettre un suivi coordonné. L’institution requérante soutient n’avoir reçu aucune copie des plans nationaux ou internationaux au terme du délai fixé dans l’avis motivé. L’État membre défendeur a admis que la transposition de cette obligation ne serait effective qu’ultérieurement pour une partie de son territoire. La Cour constate que l’absence de publication préalable des plans rendait mécaniquement impossible leur transmission régulière à l’institution de contrôle. Il est établi que l’État « n’avait procédé, au jour de l’envoi de son mémoire en défense, à aucune notification » officielle. Le manquement est donc constitué par cette double omission qui entrave le mécanisme de surveillance communautaire indispensable à l’unité du droit.

II. L’inflexibilité du cadre temporel des obligations européennes

A. L’appréciation souveraine du manquement au terme du délai

La juridiction rappelle un principe fondamental selon lequel l’existence d’un manquement s’apprécie à une date fixe et non de manière évolutive. Elle affirme que cette situation « doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait ». Le point de référence temporel demeure exclusivement celui du terme du délai fixé dans l’avis motivé émis durant la phase précontentieuse. Cette approche objective interdit au juge de prendre en compte des changements législatifs ou administratifs intervenus après l’expiration de cette période. Le juge ne saurait tolérer une incertitude quant à l’exécution des obligations par les autorités nationales au détriment des objectifs environnementaux. En l’espèce, les retards constatés lors de la phase finale de la procédure suffisent à fonder la condamnation de l’État membre. La rigueur de cette jurisprudence garantit une application uniforme des directives et prévient les reports abusifs de mise en conformité.

B. L’indifférence des mesures de régularisation en cours de procédure

L’État membre défendeur a tenté de justifier ses carences en invoquant des calendriers prévisionnels de régularisation pour l’année suivant le recours. Il indiquait notamment que des consultations publiques étaient prévues durant toute la procédure ou que la transposition serait effective très prochainement. Ces arguments sont systématiquement rejetés par la Cour car ils ne modifient pas la réalité matérielle de la défaillance initiale. Le manquement subsiste dès lors que l’obligation n’est pas intégralement remplie au moment précis où le délai de l’avis expire. Le juge conclut que l’omission de publier et de transmettre les plans dans le délai prescrit constitue une violation flagrante des traités. Cette sévérité rappelle que les impératifs internes, même complexes, ne sauraient excuser le non-respect des engagements souscrits au niveau européen. La condamnation aux dépens de la partie ayant succombé vient clore ce litige en confirmant la pleine responsabilité de l’administration nationale.

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Hassan KOHEN
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