La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 juin 2018, une décision fondamentale concernant l’imposition des dividendes versés aux organismes de placement. Cette affaire s’inscrit dans le cadre de litiges relatifs aux retenues à la source opérées par un État membre sur des distributions de revenus. Des organismes de placement collectif non-résidents ont perçu des dividendes de sociétés établies au Danemark entre les années 2000 et 2009. Ces entités ont subi une imposition systématique, alors que les organismes résidents bénéficiaient, sous certaines conditions, d’une exonération totale de cet impôt. Les requérants ont saisi la Cour d’appel de la région Est (Danemark) d’une demande de remboursement des retenues opérées par l’administration fiscale. La juridiction de renvoi a décidé, le 31 août 2016, d’interroger les juges européens sur l’interprétation des articles 56 et 63 du Traité. Le problème de droit réside dans la conformité au droit de l’Union d’une différence de traitement fiscal fondée sur la résidence de l’organisme. La Cour juge qu’une telle réglementation constitue une restriction injustifiée, dès lors que des mesures moins restrictives permettraient d’atteindre les objectifs affichés. Cette solution repose sur l’analyse de l’entrave aux libertés de circulation, avant d’envisager les justifications éventuelles tirées de l’ordre juridique interne.
I. L’existence d’une restriction injustifiée à la libre circulation des capitaux
A. La caractérisation d’une entrave discriminatoire
L’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit les mesures de nature à dissuader les investissements transfrontaliers entre États membres. La réglementation danoise réserve l’exonération de la retenue à la source aux seuls organismes de placement collectif résidant sur le territoire national. Ce traitement différencié procure un avantage fiscal aux entités locales, pénalisant ainsi les placements effectués par les investisseurs non-résidents du Royaume. Un tel dispositif procède à un « traitement désavantageux des dividendes versés » aux organismes étrangers, ce qui caractérise une restriction à la circulation. L’étude de la restriction conduit nécessairement à examiner l’argumentation de l’État relative au partage de la compétence fiscale entre les nations.
B. L’absence de justification tirée de la répartition du pouvoir d’imposition
Le gouvernement concerné invoquait la nécessité d’assurer une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition pour justifier cette différence de traitement fiscal. La Cour rejette ce motif dès lors que l’État a choisi de ne pas imposer les organismes résidents bénéficiaires de dividendes d’origine nationale. Elle considère que « la nécessité de préserver une telle répartition ne saurait être invoquée » pour légitimer l’imposition exclusive des fonds étrangers. En effet, l’exercice de la compétence fiscale sur les revenus non-résidents place ces derniers dans une situation comparable aux résidents. Au-delà de la répartition des pouvoirs, la défense de la cohérence du système fiscal constitue désormais le cœur du débat juridique.
II. La remise en cause de la cohérence fiscale comme motif de dérogation
A. Le constat d’un lien direct entre avantage et prélèvement
La cohérence du régime fiscal suppose l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal accordé et la compensation par un prélèvement déterminé. L’exonération des dividendes perçus par l’organisme résident est ici compensée par l’imposition de la distribution minimale entre les mains des porteurs. La Cour reconnaît que l’avantage concédé aux entités locales est « en principe compensé par l’imposition des dividendes » lors de leur redistribution. Ce mécanisme technique vise à déplacer le niveau d’imposition du véhicule d’investissement vers l’actionnaire final afin d’éviter la double imposition. La reconnaissance de cet objectif de cohérence doit toutefois être confrontée au principe de proportionnalité gouvernant l’application du droit européen.
B. L’exigence de proportionnalité au regard des mesures moins restrictives
Une restriction aux libertés fondamentales ne saurait être admise si elle excède ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de cohérence. La juridiction européenne souligne que des mesures moins restrictives permettraient de maintenir la logique du système sans exclure systématiquement les non-résidents. Les organismes étrangers pourraient bénéficier de l’exonération s’ils s’acquittent d’un impôt équivalent à celui prélevé sur les distributions des fonds résidents. Le refus catégorique d’accorder cet avantage aux entités non-résidentes « conduit à une imposition en chaîne » contraire à la finalité de la mesure. Par conséquent, l’article 63 TFUE s’oppose à une réglementation nationale qui ne respecte pas cette exigence de proportionnalité dans son application.